jeudi 21 septembre 2017

Plus rien à cirer du combat contre les religions

J'ai été baptisé catholique. J'ai suivi les enseignements de l'église par devoir. Je  me suis pointé à la messe à tous les dimanches. Et, franchement, je détestais ça. Je trouvais ça ennuyant. Soporifique. Une forme de rétrécissement de l'esprit qui m'était insupportable.

Vers l'âge de treize ans, je me suis rebellé. J'ai dit à mes parents que je ne voulais plus aller à la messe. Comme le simple fait de le dire ne suffisait pas, je me suis mis à donner mes arguments, que j'hésitais à leur fournir par une forme de respect filial. Cela dit, j'avais treize ans et le couvercle de la marmite devait sauter. Je leur ai donc dit que je ne croyais pas en Dieu.

-Si Dieu existe, qu'il me foudroie sur-le-champ... J'attends.. Tiens? Je suis encore là? Donc, Dieu n'existe pas. Vous ne pouvez pas m'obliger à m'agenouiller devant un être imaginaire...

Je faisais bien sûr de l'ironie. Que pouvais-je faire d'autre? C'était ma seule arme contre l'autorité qu'ils avaient de m'obliger à fréquenter l'église.

L'ironie, c'était qu'aucun de mes amis n'allait à la messe. En 1981, c'était déjà du passé. Mon anticléricalisme suscitait à peine un sourire en coin de mes camarades. Il s'en foutait bien de l'église. Elle n'existait tout simplement plus. C'était une patente pour baptiser des bébés et enterrer des morts.

J'ai passé quelques années à me croire le pourfendeur des religions, comme mon idole Voltaire. Par contre, il n'y avait plus d' «infâme» à écraser. Je devais faire des miles et des miles pour trouver un curé encore capable de tenir une conversation. Et même si je l'avais trouvé, il aurait dû subir mon monologue.

Puis j'ai fait la paix avec la religion. Je ne veux pas dire que je suis devenu croyant. Je veux simplement dire que je ne joue pas au curling. Les amateurs de curling vivront bien selon leurs règles au sein de leur club, tant que cela n'interfère pas avec les droits civiques garantis par la constitution. Il y a aussi les amateurs de bowling. Dans tous les cas, que chacun fasse sa partie. Je jouerai la mienne à ma façon. Et quand on se fera une réunion de quartier, on aura cette intelligence de ne pas mettre le curling, le bowling ou bien ma passion personnelle au-dessus de toute autre considération. Ce qui me semble le fondement de la laïcité.

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Cette semaine, Martine Ouellet, cheffe du Bloc québécois, s'en est prise à Jagmeet Singh, candidat à la direction du NPD canadien. Elle a dénoncé la montée de la «gauche religieuse».

Il semble qu'on ait déjà oublié feu le curé Raymond Gravel, député bloquiste sous Gilles Duceppe.

Jagmeet Singh croit en la séparation du temple et de l'État sous son turban. Il soutient le mouvement pro-choix en matière d'avortement. Il est pour la défense et la promotion des droits des membres de la communauté LGBT. Mais, voyez-vous, il faudrait surtout retenir qu'il porte un turban...

Je prédis que Jagmeet Singh remportera la course à la direction du NPD.

Je crois même qu'il serait possible pour lui d'augmenter le score des députés NPD au Québec, en dépit de tout ce qui se persifle ici et là.

Pourquoi? Parce que la société québécoise est déjà rendue ailleurs. On ne ressent plus le besoin de s'agiter pour faire de l'anticléricalisme outrancier. Chacun fait sa petite affaire dans son temple ou bien dans sa chambre. On n'embrigadera pas la vie dans un désir sournois d'uniformisation.

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Au fait, on peut aussi se questionner à propos des femmes qui portent le voile et militent pour Québec Solidaire, une organisation politique fermement pro-choix en matière d'avortement et tout aussi inclusive envers la communauté LGBT.

Si ces femmes sont les réactionnaires que certains veulent nous faire croire, que font-elles au sein d'un parti politique plutôt impie?

Pourrait-on imaginer une militante ultraconservatrice des Bérets blancs au sein du Parti communiste, voire de Québec Solidaire?

Il y a quelque chose qui clocherait.

Suis-je en faveur du port du voile? C'est une question qui ne se pose même pas.

Je n'en ai rien à cirer, du voile.

Et c'est parce que je n'en ai rien à foutre que je ne me battrai pas plus contre le port du chapeau melon, du turban ou de la kippa. Je laisserai même les évêques faire leur épicerie avec leur mitre bien enfoncée sur la tête.  Ça mettra de la couleur dans la foule. Sans plus.

Autrement, on tomberait vite dans la connerie.

Comme celle de ce Pierre 1er, tsar de toutes les Russies, qui s'était mis en tête de moderniser son empire de force en coupant les barbes des chrétiens orthodoxes.

Ou bien celle du Congrès américain qui s'en est pris à un prêtre autochtone, un certain Sitting Bull, qui voulut rétablir la danse des esprits au sein de sa tribu. Une danse diabolique, bien entendu, puisque le Congrès le disait... Cela se termina par une tragédie. Par le massacre de Wounded Knee et la poursuite d'une politique de génocide culturel auprès des Sioux et des peuples autochtones. Tout ça sur la base d'un combat à mener contre une religion jugée barbare, celle des Sioux évidemment.

Vous en voulez d'autres?

Je crois que la coupe est pleine.

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Non seulement nous pouvons, mais nous devons nécessairement apprendre à vivre ensemble. La Terre n'est plus aussi grande qu'elle ne le semble. Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de nous haïr sans risquer de tous y passer.

La meilleure recette, c'est encore celle que nous pratiquons inconsciemment, voire sciemment, depuis des lustres. Cette vieille recette que pratiquaient depuis longtemps les Autochtones. Écouter l'autre lorsqu'il parle. Ne pas l'interrompre. Lui laisser dire ce qu'il a à dire. Et puis lui répondre poliment ensuite, en prenant tout le temps qu'il faut. Au risque de garder le silence tous les deux devant le spectacle des étoiles.