mardi 18 juillet 2017

El Père Arnold statisticien de baseball de la P'tite Pologne

Arnold connaissait toutes les statistiques des clubs de baseball et de balle-molle qui avaient défilé dans la P'tite Pologne depuis les temps immémoriaux.

La P'tite Pologne, pour ceux qui ne la connaissent pas encore, est ce quartier de Trois-Rivières qui était jadis regroupé autour de l'Église Saint-François-d'Assise, au Nord de l'usine de textile Wabasso. Elle a été démolie puisqu'elle avait été bâtie sur un marécage. Plus personne n'y allait. L'investissement n'était plus rentable. Une succursale de moins avec toujours le même forfait clef du paradis en mains.

Mais ne nous emballons pas dans le propos.

Arnold vivait à deux pas du temple englouti par l'ancienne swamp. Comme si toujours les eaux retrouvaient leurs cours. Ou quelque truc du genre.

Il avait vu ça, la démolition de l'église Saint-François-d'Assise. Il vivait tout près, sur la rue Gingras. Et même qu'il y était né. Il s'y trouvait depuis maintenant cent huit ans, Arnold, et les gens l'appelaient d'ailleurs El Père Arnold, ce qui lui faisait toujours un petit velours, comme si l'on reconnaissait son exceptionnelle mémoire, bref son talent.

-C'était en 1952... Au Parc des Pins... Une game entre les Bouledogues de Sainte-Cécile contre les Tigres de Saint-François-d'Assise. Les Bouledogues avaient gagné 9 à 0. El monde d'la P'tite Pologne se sont tétaient mis z'à dire que c'était par tricherie d'l'arbitre... Oui mesieur. J'y étais. El Père Arnold y était et a tout vu!

Évidemment, on l'encourageait à vider son sac.

On y remettait toujours une lampée de Chemineaud dans son café.

Il nous faisait le coup de l'index sur les lèvres pour signifier son humilité face à son péché mignon. Un petit café avec du Chemineaud. El Père Arnold aimait don' ça.

Toujours est-il qu'El Père Arnold nous emberlificotait inlassablement avec ses parties de baseball. Cela ne nous intéressait pas du tout. Nous aimions boire. Boire dans le Parc des Pins. Et El Père Arnold itou. Ô blasphème!

N'empêche que les adolescents que nous étions n'avons rien retenu des précieuses statistiques d'El Père Arnold, récoltées pour rien, dans l'intérêt de personne, puisqu'il était mort saoul, pauvre, seul, vierge et célibataire... C'est pour ça qu'il avait cent huit ans. Ou peut-être moins.

Je suis repassé récemment au Parc des Pins.

Il ne s'appelle plus le Parc des Pins.

Je ne me souviens pas du nom du nouveau parc.

Le Parc Vladislav Tretiak peut-être... Il était peigné sur le côté... Hum...

Quoi qu'il en soit, El Père Arnold n'était plus là.

Et moi non plus d'ailleurs.

J'y vais rarement au Parc des Pins.

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