mercredi 24 mai 2017

Je ne suis pas réaliste

Je ne suis pas réaliste. D'autres le sont mieux que moi. Je ne comprends pas pourquoi le réalisme les excite tant. Tout comme ils ne comprennent pas pourquoi je rêve autant. Ce serait de bonne guerre si nous combattions à armes égales. Ce qui n'est pas le cas. Les réalistes ont pour eux la «farce» de l'habitude. Tout ce qu'ils peuvent dire est mesuré et compté. C'est concret. Alors que moi, je ne mesure rien et me dépense sans compter. Je plane au-dessus des normes et des conventions établies. Je m'entête à ne pas réussir. Je me gausse de tout et aussi de moi-même. Bref, je ne suis pas un exemple à suivre. De plus, je n'ai pas de réseaux de contacts et pas plus d'argent qu'il n'en faut pour survivre.

Et vous savez quoi? Je me considère heureux.

Heureux de ne pas être mort à 25 ans pour un jour être enterré à 90 ans. Heureux de ma seconde peau, de ma seconde vie et même de mes joies de seconde main.

J'ai échoué à faire de l'argent, à exercer une profession digne de médailles, à me préparer une retraite digne de ce nom.

Et vous savez quoi? Je m'en moque.

Je ne suis pas réaliste. Je suis un artiste. Je suis un pelleteur de nuages. Je ne suis pas raisonnable.

L'argent, les médailles et les honneurs rendus aux conformistes, ce n'était pas pour moi.

Comme ce n'était pas pour la grande majorité de la population mondiale qui, tout comme moi, court le diable après la queue.

La majorité des humains sur cette Terre, voyez-vous, ne sont pas réalistes.

Ils n'ont rien réalisé, contrairement à ceux qui ont tout réussi et leur font subir l'opprobre pour leur vie insouciante et si mal calculée.

Les réalistes ne rêvent pas en couleurs.

Ils ne rêvent pas plus en noir et blanc.

Ils ne rêvent plus, les réalistes.

Ils comptent et ça leur suffit. Et comme ils occupent les plus hautes fonctions, tout le système leur donne raison.

Chacun de leurs gestes est calculé en fonction de ce que ça leur rapporte ou leur enlève,

Évidemment, rien ne leur est plus effrayant que de perdre leurs privilèges durement acquis.

Privilèges pour lesquels ils se pardonnent de toutes les bassesses qu'ils auraient pu commettre pour sauver leurs acquis.

S'ils peuvent sacrifier leur bonne conscience, pourquoi les rêveurs ne pourraient-ils pas faire un petit effort pour abandonner un rêve, pour mettre de côté ne serait-ce que l'argent d'un seul café par jour qu'ils ont l'audace de boire alors qu'ils n'en ont visiblement pas les moyens?

Oui, les pauvres devraient avoir honte de vivre de rêves qu'ils n'ont pas les moyens de s'acheter. Ils devraient être réalistes...

Or, je ne suis pas réaliste.

Je ne peux même pas comprendre comment ça se passe dans la tête d'un réaliste.

Je suis à moitié ici et à moitié dans les nuages.

J'évite la compagnie des réalistes pour une raison bien évidente.

Je n'aime pas qu'ils me fassent de l'ombre quand je contemple le soleil.

Je n'aime pas qu'ils m'ennuient avec leurs délires stratégiques et leurs vérités artificielles.

Vous me direz qu'on a besoin des forces de tout le monde dans la vie.

Je veux bien.

Mais c'est encore trop réaliste pour moi.

Je ne suis pas réaliste, vous dis-je.

Je gratte ma guitare avec un brin d'herbe en bouche.

Je dessine des gros nez.

J'écris des trucs loufoques.

Je ris. Je danse. Je lâche mon fou et pourtant la folie ne me lâche jamais.

J'aime trop la vie pour la souiller avec des passions austères et des règles à couper des poils de cul en quatre.

Je ne suis pas réaliste.

Et cela ne se soigne pas.

Je m'excuse de vivre ainsi, chers réalistes.

Je sais que je vous fais perdre votre temps.

Et du temps, bien sûr, c'est de l'argent.



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