mardi 20 septembre 2016

Survivre à la fin du monde sans se fatiguer

Albrecht Dürer, Apocalypse de Saint-Jean
Il m'arrive souvent d'oublier que nous vivons avec quelque chose de bien plus pesant qu'une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Ce quelque chose se résume à une guerre nucléaire. Au fil des ans, j'en suis presque venu à croire que cela n'arrivera jamais. Même les riches aiment jouer au golf et vivre le restant de ses jours dans un décor de centre d'achats pourrait aussi ne pas leur convenir. Au fond, le golf nous protège peut-être de la bombe atomique.

Tout jeune, j'étais sensible aux discours de fin du monde. Les années '70 abondaient en scénarios apocalyptiques. Il faut dire aussi que la culture judéo-chrétienne dans laquelle nous baignons se prête bien à l'idée de fin du monde. Elle viendra, cette fin, avec la peste bubonique, le choléra et les quatre cavaliers de l'Apocalypse de Saint-Jean. Sans compter la bombe atomique, la dernière trouvaille en date de l'histoire humaine. Une découverte qui fait en sorte que la fin du monde n'est plus seulement spéculative.

Et si ce n'était que des bombes! Tout prête à discourir à tort ou à raison sur la fin du monde. Le climat pourrait se dérégler. Un astéroïde pourrait frapper la Terre. Des volcans pourraient se réveiller et raréfier tout cet oxygène que nous respirons. Nous pourrions aussi être happés par un événement cosmique à grande échelle. Andromède qui nous rentrerait dedans ou bien la disparition de notre monde dans un quelconque trou noir créé par Dieu sait quoi.

Plus on en sait sur tout, plus on se rend bien compte que nous ne sommes rien. La vie est extrêmement fragile. Cela semble un phénomène plutôt rare dans notre système solaire. Je ne parlerai pas pour les autres étoiles que je n'ai pas visitées. Ce serait ridicule que l'univers n'ait pu produire que des singes et des écureuils sur un quelconque grain de poussière perdu dans une petite galaxie ordinaire du superamas de la Vierge. Remarquez que nous sommes tellement ridicules que l'univers pourrait tout aussi bien l'être.

Tout pourrait sauter du jour au lendemain. Tout. Et nous vivons comme si de rien n'était. Parce que nous ne saurions faire autrement.

Un type vend de la crème glacée en ce moment quelque part dans le monde. Un autre s'allume une cigarette après avoir fait l'amour. Un enfant est tombé en bas de sa bicyclette et s'est éraflé le genou. Une vieille dame subit son traitement de dialyse rénale dans un hôpital miteux du Québec. Des gens qui fuient la guerre se noient dans la Méditerranée.

La vie continue même si le monde ne tourne pas rond. Comment pourrait-il en être autrement?

L'écureuil se prépare pour l'hiver même s'il devait tomber dans les serres d'un aigle dans les secondes qui suivront. On ne s'arrête pas de vivre parce que la mort nous menace. On vit justement parce qu'elle tient à nous rayer de la carte.

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En fin de semaine, je me suis amusé à regarder un vieux film des années '70. Damnation Alley de Jack Smight. C'est un film post-apocalyptique. Le scénario est plutôt mauvais. On y retrouve cependant tous les clichés de ce genre de films. Des survivants de la Troisième guerre mondiale qui font face à des créatures mutantes ou bien à des hommes irradiés et méchants. Cela se termine avec un peu d'espoir. Ils ne sont pas seuls sur Terre: ils finissent par rentrer en contact avec une petite communauté de survivants via les ondes radio. La civilisation, ou ce qu'il en reste, est sauvée.

Omega Man, un film de Boris Sagal mettant en vedette Charlton Heston, raconte sensiblement la même histoire. Elle a aussi été reprise pour I Am Legend (2007), un film de Francis Lawrence avec Will Smith dans le rôle principal.

Il y a tellement de films et de romans de cette mouture que je ne saurais vous présenter une vision exhaustive de ce sujet sans m'y désintéresser en cours d'écriture.

Ceux qui me lisent régulièrement se souviennent peut-être de mon billet à propos du roman The Road de Cormac McCarthy. On en a même fait un film honnête que j'aimerais bien revoir en streaming. Dans le genre post-apocalyptique, c'est ce que j'ai trouvé de mieux. Si vous avez du temps à perdre, il vous est possible de lire ou de relire mon billet en cliquant ici.

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Après vous avoir tous déprimés avec la fin du monde, je dois bien vous laisser sur une note joyeuse. Rire et chanter sont des défis lancés à la face de ceux qui souhaiteraient plonger ce monde dans une fournaise de glaives chauffés à blanc. La désinvolture et la dérision sont des armes puissantes. John Lennon l'avait compris même si l'on s'est gaussé de son pacifisme et de son tambourin.

Ilya Prigogine, un scientifique de renom, prêchait le réenchantement du monde. Je lui vole cette idée qu'il souhaitait appliquer à la science pour la délivrer de son caractère froid et prosaïque.

Aussi con que cela puisse paraître, se dégager de cet esprit de sérieux que vilipendait Nietzsche est une nécessité vitale. Le monde va de mal en pis? Nous changerons le monde, nah! Ceux qui n'y croient pas pourront tout de même jouer avec nous lorsqu'ils verront que nous avons du plaisir.


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Post-scriptum pour les paresseux:

Liste de films post-apocalyptiques

Liste des oeuvres de science-fiction post-apocalyptique

Science-fiction post-apocalyptique

Eschatologie




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