mercredi 20 avril 2016

Docteur Jivago et L'Oeuvre au noir

Je suis tombé hier sur une nouvelle qui faisait mention d'un attentat-suicide commis par les talibans en Afghanistan. 

Ce type de nouvelle a atteint un certain degré de banalité à laquelle je résiste en vous en parlant ici-même. 

Dire qu'il y a eu un attentat en Afghanistan cela revient quasiment à dire il pleut à Londres. Pourtant, il s'agit bien de nos frères et soeurs humains qui, là-bas, se sont faits amputer, éventrer ou défigurer. Ce sont des civils qui sont tombés, une fois de plus, une fois de trop.

L'humanité est désespérante vue sous cet angle mort... 

Paradoxalement, la grandeur de l'homme est manifeste au cours de cette guerre.

Elle est là même si nous nous refusons trop souvent de nous y attarder.

Elle s'exprime via les ambulanciers, les pompiers et tout le personnel médical.

Plutôt que de tuer, ces gens-là sauvent des vies, y compris celles des talibans si cela se trouve.

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Le roman Docteur Jivago de Boris Pasternak se joue sur le même thème. Un médecin, atteint de poésie, soigne les uns et les autres au cours de la guerre civile succédant à la révolution russe. Plutôt que de tenir des propos guerriers, il utilise son bistouri et ses compresses pour sauver les vies de tout un chacun, quel que soit son camp. Évidemment, Jivago passe pour un naïf. Un vrai idiot. Un idiot utile pour soigner ses propres blessés. Un idiot de trop quand il veut aussi sauver la vie des ennemis...

Et c'est idoine pour L'Oeuvre au noir, un roman de Marguerite Yourcenar mettant en scène Zénon, un médecin qui fuit d'une ville à l'autre  pour échapper à l'Inquisition et qui sauve des vies au lieu de faire des sermons sur les vertus théologales. Zénon, tout comme le Docteur Jivago, n'est pas un homme de son temps. On le soupçonne d'être un peu trop curieux et d'avoir des moeurs dissolues. Tout le monde sait que la vertu est de servir la croix et l'épée... Or, Zénon est un libre-penseur à une époque qui n'autorise aucune liberté.

Dans l'un comme l'autre roman, il est question de la grandeur de l'homme tout fin seul parmi une bande d'imbéciles qui s'entre-tuent.

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On a dit et on entend encore dire que les pacifistes sont des idiots utiles.

On a dit et on entend encore dire que les pacifistes sont aussi des idiots de trop.

On voudrait faire passer feu John Lennon pour un ignoble naïf et vanter le chef de guerre qui détruit tout un village sans sourciller puisqu'il faut découper en quartiers les ennemis, grands et petits, fussent-ils encore dans le ventre de leur mère. N'importe quoi sauf ces pouilleux de hippies qui vantent la paix, l'amour et l'entraide.

Peu de gens sur cette misérable planète comprennent que la grandeur de l'homme ne se mesure pas à ses grades, médailles et décorations. Elle se mesure à ses actes.

Docteur Jivago et L'Oeuvre au noir demeureront encore longtemps des romans-cultes pour quiconque préfère la vie à toute forme d'assassinat légal, religieux ou idéologique.

Ce sont encore, et pour longtemps, des thèmes d'actualité.

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