jeudi 3 mars 2016

Le plus beau printemps de ma vie

Le plus beau printemps de ma vie s'est produit il y a déjà plus de vingt ans.

J'étais encore jeune et j'avais probablement traversé l'hiver le plus sombre de ma jeune existence inexpérimentée.

J'avais traversé cet hiver de mille manières, de Trois-Rivières jusqu'à Vancouver, en passant par Montréal, Toronto, Winnipeg, Saskatoon et Edmonton.

L'hiver et le printemps alternèrent plusieurs fois au cours de ma traversée de la Colombie-Britannique.

Au sommet des Rocheuses, il neigeait. Dans les vallées, les lilas étaient en fleurs. Puis on remontait dans les montagnes pour revoir encore l'hiver. Puis on redescendait vers le printemps. Ce fût ainsi pendant plusieurs heures, d'une montagne à l'autre, d'une vallée à la prochaine. Froid, chaleur, neige, pluie, soleil et fleurs...

À la déprime de l'Est succédait l'espoir de l'Ouest qui, paradoxalement, me faisait aussi rejoindre l'Orient. Je ne savais plus si j'étais à Vancouver ou bien en quelque grande ville de l'Asie. Des moines bouddhistes vêtus de saris jaunes déambulaient sur les trottoirs. Des itinérants aux traits de fakirs arboraient des barbes teintes en rose ornées de fleurs... J'étais carrément ailleurs et pouvais oublier tout ce que j'avais vécu précédemment. Un nouveau moi venait au monde. L'ancien était cette vieille peau de serpent abandonnée derrière moi. Le nouveau moi parlait difficilement l'anglais, ne connaissait pratiquement personne et devait se débrouiller avec des gestes et des mimiques pour s'expliquer tant bien que mal.

J'y songe encore aujourd'hui comme si ce n'était jamais arrivé.

Et pourtant, cela s'est produit.

J'ai bien respiré l'air salin soufflé par l'Océan Pacifique.

J'ai bien vu l'Alaska, le Yukon et tout le reste.

Jamais je n'oublierai ça. Jamais.

Que serais-je devenu sans cette renaissance?

Je n'ose même pas y penser.

Une partie de moi sera toujours quelque part dans la Fraser Valley, quelque part près du Bear Glacier en Colombie-Britannique, quelque part aux environs de Whitehorse.

Cela ne s'explique même pas.

C'est comme ça, tout simplement.





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