jeudi 27 août 2015

Le journal d'un vieil homme, un film de Bernard Émond

Anton Pavlovitch Tchékhov est l'un de mes auteurs préférés. Sa plume, pour ce que peut m'en faire comprendre les traducteurs, me semble aussi tranchante qu'un bistouri. Tchékhov ne s'attarde pas sur les détails et ne s'enferme pas dans l'analyse psychologique. Il se contente de rapporter les faits pour faire naître chez le lecteur un sentiment digne de ce nom. Peut-être que sa profession de médecin y était pour quelque chose.

Le cinéaste québécois Bernard Émond s'attaquait à un gros morceau en adaptant Une banale histoire, une nouvelle de Tchékhov où le narrateur, médecin et professeur célèbre, raconte ses impressions à l'approche de sa mort imminente. Cette banale histoire est aussi celle de Tchékhov puisqu'il l'a écrite vers la fin de sa vie. Il se sentait dépérir et sa célébrité comme tout le reste ne lui disaient plus rien.

Le journal d'un vieil homme, c'est le titre du film de Bernard Émond, est une adaptation cinématographique honnête, avec quelques libertés prises ça et là sur la nouvelle originale. Le film comme la nouvelle reprend le thème du médecin célèbre en fin de vie qui raconte ses nuits d'insomnie et sa crainte de la mort, son incompréhension pour sa femme, sa fille naturelle et sa fille adoptive, alors que tout sombre en lui-même.

J'ai tout de même aimé voir ce film. Paul Savoie, dans le rôle principal, est à la juste mesure de cette histoire banale. On y ressent ce spleen typiquement russe, ce sentiment d'inutilité et de nullité que l'on trouve aussi dans Un héros de notre temps de Lermontov.

Katya, sa fille adoptive, paresse toute la journée en dilapidant un montant qu'elle a reçu d'un héritage. Le sens de la vie lui échappe. Elle s'accroche à son père adoptif pour obtenir une réponse qui ne vient jamais. Quelle réponse lui donner? La vie lui échappe. Encore quelques mois, quelques jours, et il ne sait même pas si elle assistera à ses propres funérailles...

-Dis-moi ce que je dois faire... Dis-le moi!!!

-Je ne sais pas quoi te dire...

À la sortie du film, je me sentais mi-figue mi-raisin quant à ma critique du film. Je suis donc allé à la bibliothèque pour relire Une banale histoire afin de poursuivre ma réflexion.

Si le film me poursuit encore, c'est qu'il n'est pas mauvais. Contrairement à bon nombre de films québécois parus récemment sur nos écrans, le film laisse peu de place à l'humour et à l'action. C'est sans doute sa plus grande qualité. Le propos prend le dessus. L'esprit de sérieux, pour une fois, n'y est pas si lourd qu'il en a l'air. Il me réconcilie avec l'amour de la sagesse. Sinon avec l'art cinématographique dans sa plus simple et plus naturelle expression. Puisque Le journal d'un vieil homme est aussi un beau film.

Bernard Émond a bien relevé le défi d'adapter Tchékhov. Les esthètes ne seront pas déçus. Les autres seront mieux d'aller revoir Bon cop bad cop ou Les Boys.. Voilà.




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