dimanche 17 août 2014

Ej' veux d'la harpe tabarnak!

Dans la nuit de samedi dernier j'étais en beau joual vert.

Il m'arrive de me lever tôt afin de poursuivre un demi-sommeil dans le lazy-boy de mon atelier.

Pour accompagner ce demi-réveil, je me fais un bon café. Bien enfoncé dans le lazy-boy, je m'empare de la manette de la radio et souhaite tomber sur quelque musique endormante de la chaîne 104,3 FM, c'est-à-dire Espace Musique, Ici, Radio-Canada-whatever.

Il arrive qu'un esprit sage et éclairé  du 104,3 FM ait le bonheur de diffuser quelque mélopée apaisante comme ces petits riens joués à la harpe qui vous comblent de bonheur. Je voudrais bien vous dire les titres et les compositeurs, mais je m'endors souvent avant même que d'entendre la voix de l'animateur qui, fort heureusement, ne prend pas toute la place. J'atteins des états de grâce moins anodins qu'ils ne le semblent en des occasions idoines. Je plane comme un gros con au joli son d'une harpe ou d'une violon pas trop casse-couille. C'est comme si mon lazy-boy se transformait en tapis volant, moins le tapis bien sûr, mais avec encore plus d'élément volant, oserais-je ajouter. Ah! le bonheur d'écouter de la musique douce sur une radio payée avec nos taxes et nos impôts...

Samedi dernier, vers les quatre heures du matin, j'étais en beau fusil parce que le 104,3 de la bande FM diffusait de la salsa plutôt que de la harpe apaisante. Je n'ai rien contre le flamenco ou la danse des canards. Sauf à quatre heures du matin alors que je prends presque l'habitude de me lever pour mieux me rendormir. Je fulminais contre le bruit, partout le bruit, les rugissements, les crissements de pneus, les moteurs, les hydravions et les tricycles mal huilés. Mais ce n'était rien si je l'opposais à mon besoin viscéral de ne plus râler sous l'effet analgésique de la harpe.

-Ah ben ej' va's m'plaindre calice! Ej' veux d'la harpe tabarnak! M'a leu' z'écrire à Espace-Zizique pis ej' m'en va' leu' dire qu'ej'veux d'la harpe tabarnak! D'la harpe pas d'la salsa, de l'orchestre bavarois ou du twist and shout! Ej'veux d'harpe tabarnak!

samedi 16 août 2014

Roméo et Juliette

Alors que le monde est en guerre je m'en veux de ne pas avoir d'opinion sage et éclairée sur la futilité ou la légitimité des combats. Je comprends que nous ne vivons pas parmi des anges. D'aucuns nous raccourciraient d'une tête pour un oui, pour un non. D'autres n'auraient besoin que d'une seule de vos phrases pour vous pendre au gibet de leur vérité.

Je reviens souvent sur l'histoire de Roméo et Juliette, comme si j'y avais trouvé une raison de me moquer de l'Histoire avec un grand H. Les Montaigu et les Capulet ont toutes les raisons du monde, par ailleurs, pour s'étriper. Roméo et Juliette se foutent éperdument des vendettas de leurs familles. Ils veulent s'aimer par-delà tous les discours meurtriers de leurs semblables. Au diable les luttes, vengeances et idées fixes des vieux cons qui ne savent que se taper sur la gueule  comme des sous-orangs-outans.

Cela dit, j'entrevois l'histoire humaine sous l'angle de Roméo et Juliette. Je pense naïvement que l'amour est plus fort que tout. J'ai depuis longtemps fait mienne cette idée dostoïevskienne: la beauté sauvera le monde.

Vous pouvez rire de vous ou de moi. Vous pouvez me montrer les armes à prendre et les vies à écraser comme des punaises. Je ne vous suivrai pas toujours. Mon salut provient probablement du fait que j'envisagerai toujours la paix comme la plus profitable des options quand on veut faire pousser des fleurs ou bien protéger des vies humaines.

Nous ne vivons pas au paradis, certes. Le monde n'est pas peuplé d'anges, bien entendu.

Aussi, j'accepterais, à la limite, que l'on utilise des armes non-létales dans le cadre de conflits sportifs ou sociaux. Je pense entre autres à la poésie. Chaque camp pourrait écrire des tas de poèmes et les gagnants mériteraient un bout de terrain. Le jury serait composé de quidams ramassés ça et là dans le monde ordinaire.

Je déconne? Pas plus qu'un type qui vous fait éclater le ventre avec une grenade.


vendredi 15 août 2014

Le parfum de la mélasse

La mélasse est une substance collante qui provient sans doute de la canne à sucre puisque c’est écrit sur les emballages de mélasse.

Quoi qu’il en soit, il y a une grosse citerne de mélasse au port de Trois-Rivières. Quand on passe en vélo dans ce secteur, il vous vient aux narines des effluves aigres-douces qui évoquent la misère, la galette de sarrasin ou bien la tarte à la farlouche.  

Anodine à première vue, cette substance n’en est pas moins meurtrière. Qui se rappelle de la grande inondation de mélasse de Boston ? C’est survenu le 15 janvier 1919. Une citerne contenant 8 700 000 litres de mélasse s’écroula. Le raz-de-marée de mélasse qui s’ensuivit fit vingt morts et cent cinquante blessées. La United States Alcohol Company, propriétaire de la citerne de mélasse, se déclara victime des anarchistes pour s’éviter de payer pour tous les dégâts. La mélasse servait à produire un alcool utilisé pour la fabrication des munitions. Et vous viendrez me dire que la mélasse n’est pas meurtrière? Je vous prie de ne pas y songer.

Le parfum de la mélasse me rappelle aussi la misérable enfance de mon père qui n’a jamais connu d’autre dessert que la beurrée de mélasse.

Mon père était le sixième enfant d’une famille de dix-huit enfants.  Mon grand-père Éloi avait beau gagner un bon salaire pour l’époque qu’ils n’en étaient pas moins une vingtaine à s’entasser dans une cabane au plancher de terre battue du village de Sayabec. Grand-p’pa ne savait pas faire un nœud dans sa queue. Grand-m’man se faisait dire par le curé de ne pas empêcher la famille et d’écarquiller les cuisses. Ça nous a donné plein de petits Bouchard ici et là, dont moi-même. Mais laissons-là les organes génitaux de mes ancêtres.

-On mangeait rien que d’la morue pis tout l’temps d’la morue! rappelait souvent mon père. On mangeait parfois des bigorneaux. Parfois des clams. On allait chercher ça à Sainte-Luce-sur-Mer, y’où’ss’qu’ej’suis né. Mais la plupart du temps, c’était d’la morue, des patates, des navets… Pis pour dessert, fallait que tu t’attendes à rien d’autre qu’une beurrée de m’lasse! Qu’est-ce qu’i’ y’a pour dessert? D’la m’lasse pis encore d’la m’lasse! Pis des fois, mais c’était rare, on avait un gros baril de pommes qu’on pouvait piger ed’dans pour pogner une pomme…

Circulant tout près de la citerne de mélasse du port, il me revient aussi à l’esprit que mon père n’a jamais cessé de compléter sa boîte à lunch d’aluminium avec quelques tranches de pain beurrées de margarine qu’il trempait dans la mélasse. 

Mon père est mort depuis belle lurette et je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça.

Peut-être parce qu’il est mort au début d’août et que son anniversaire de naissance est le 18 août…


Maudite mélasse qui alimente autant les gens que les nostalgies!