mardi 17 septembre 2013

Le gars qui se crissait des coups de bouteille d'eau sur les cuisses

La rue Royale traverse le centre-ville de Trois-Rivières. Les plus hauts bâtiments de la ville s'y trouvent, dont deux buildings de douze étages et la cathédrale. Le sol argileux de Trois-Rivières ne convient pas aux constructions en hauteur. C'est que la ville repose sur le lit d'une ancienne mer disparue il y a moins de huit milles ans avec la fonte des glaciers. Un réchauffement climatique naturel qui a bouleversé le monde du vivant. Il y eut bientôt une mer de feuillus et de conifères, puis d'autres créatures -dont la plus adaptable de tous, l'humain.

Je ne vous raconterai pas le temps du pléistocène trifluvien, mais je puis tout de même vous rapporter une anecdote qui ferait passer un barbare pour une personne fort gentille.

J'emprunte la rue Royale presque tous les jours sur ma bicyclette que je surnomme WD-40 pour me rappeler de mettre fréquemment du Jig-A-Loo. C'est une vieille Peugeot dite de montagne. Il n'y en a pas tant que ça sur la glaise de l'ancienne mer de Champlain. Il y a pourtant deux ou trois côtes pour se faire des gros mollets. 

Je roulais hier sur la partie descendante de la rue Royale. 

Je n'avais pas besoin de gros mollets. Ça descendait tout seul et plutôt vite. J'ai même eu le temps de passer sur la verte -que je vois blanche en tant que daltonien- au coin de Royale et St-Roch. J'avais à peine donné trois coups de pédale depuis la rue des Forges. Moment vivifiant où je sentais le Lac St-Pierre me rentrer par les narines sous l'impulsion des vents sud-ouest prédominants...

Et c'est alors que j'approchais du Parc des Patriotes, pour les uns, et Parc Victoria pour les autres, que je suis tombé sur ce macaque.

Il avait le cul relativement à l'air. Il marchait comme un canard. Il avait les cheveux bruns et coupés ras, la barbe pas faite et l'air gelé tight.

Le jeune homme dans la vingtaine se crissait des coups de bouteille d'eau sur ses cuisses en gueulant comme un damné.

Je n'y portais pas trop d'attention, bien sûr, puisque j'ai bien d'autres choses à faire.

Voilà que le gars gueule après moi en se crissant encore des coups de bouteille d'eau sur les cuisses.

-Heille! Tabarnak! Heille! J'te parle tabarnak!!!

Je me dis en moi-même que je pourrais facilement lui rentrer l'os du nez dans le front puis renonce sagement à tout incident en roulant tranquillement mon chemin.

Le gars continue de gueuler en se crissant des coups de bouteille d'eau.

Un plus loin, j'emprunte le rond-point de la Couronne. La rue Royale devient le boulevard Gene-H.-Kruger à partir de cet endroit. Je longe le Parc Pie-XII. Puis une dame d'un certain âge me fait signe d'arrêter en me pointant avec son thermos.

-Pourriez-vous ouvrir mon thermos, m'sieur? Ch'pas capable!

Elle a une clope dans la bouche. Une cigarette qu'elle s'est roulée fort maladroitement elle-même. Elle n'a manifestement pas de force dans les doigts cette pauvre femme.

Le couvercle de son thermos est taché de vieux café. Je n'écoute que mon courage et constate qu'il était tout de même bien serré puisque l'effort me remonte jusque dans le conduit de mon oreille interne.

-Pop!

-Merci m'sieur! Bonne journée!

-Bonne journée madame!

Enfin une personne heureuse...

J'en conclus qu'il y a des moyens de demander de l'aide.

Crier après quelqu'un en se donnant des coups de bouteille d'eau sur les cuisses, ça ne fait pas sérieux.

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