mercredi 22 mai 2013

Ces gens de mon pays

Les gens de mon pays, ce sont gens de parole et gens de causeries qui parlent pour s'entendre... N'allez surtout pas croire que cette phrase sublime a été pondue par mon esprit bouillonnant de maximes à dormir debout. Elle est de Vigneault lui-même, Gilles de son prénom, un gars de Havre Saint-Pierre qui en a long à dire sur la fraternité humaine et que l'on a trop longtemps confiné au péquisme par pure mesquinerie. Ce type-là n'a rien d'un politicien. Sacrament! C'est évident que c'est un poète.

J'écoute Jack Monoloy ou bien Les gens de mon pays, voire Mon pays, que je me trouve tout de suite dans un lieu où il n'est pas tant question de drapeau que de la beauté de Wabanaki, le pays du soleil levant, un pays qui plonge ses racines dans plus de 10 000 années de présence humaine, peut-être même plus puisque je n'aime pas compter.

Cela dit, je me souviens d'avoir entendu Les gens de mon pays en deux occasions et d'avoir eu la gorge nouée par l'émotion.

La première fois, c'était à Regina, en Saskatchewan. Je revenais d'un long voyage sur le pouce qui m'avait mené de Trois-Rivières à Vancouver, puis de Vancouver au Yukon. Sac au dos et cheveux au vent, je vivais mes années de bohème avec la fièvre de goûter à la quintessence de la vie et de l'aventure.

Je m'apprêtais à sauter sur un train cette fois-là afin de tester On the Road de Jack Kérouac. Je suis tellement influençable que je devins trotskyste après avoir lu Trotsky et poète après avoir lu Rimbaud. Si les livres n'étaient pas là pour gâcher ma vie, je me demande bien ce que je ferais... Récemment j'ai lu Claude Blanchard... Imaginez ce qui se passera demain...

Quoi qu'il en soit, j'étais dans un parc, à Regina, et j'écoutais Radio-Canada sur mon walkman.

J'avais mal à la mâchoire à force de ne parler qu'en anglais depuis deux ou trois mois. Et je rêvais de revoir mon pays pour une raison qui m'échappe.

C'est là que Gilles Vigneault m'a fendu l'âme avec Les gens de mon pays... Les larmes se mirent à jaillir chez ce gros tarlais qui vous échappe ces lignes ici-même. (C'est moi, bien entendu.)

Quelques années plus tard, aux funérailles du légendaire Michel-Luc Viviers, le plus gros poète de Trois-Rivières de tous les temps, je me suis fait scier l'âme une fois de plus avec Les gens de mon pays et La Quête de Brel, deux chansons auxquelles tenait particulièrement le grand Viviers. J'ai pleuré une fois de plus, comme un con. Et Viviers ne m'en a pas voulu pour autant. Il devait même rire un peu de moi du haut de ses nuages.

-J'te l'ai dit que j'te f'rais pleurer mon hostie! Arf! Arf! que je l'entends se gausser de moi.

Sacré Viviers... Sacrés gens de mon pays...

Des gens de paroles qui parlent pour s'entendre...

Des gens qui m'en donnent plus que je ne saurais en demander, en qui je trouve des trésors d'imagination et de bonhomie.

Nous ne sommes rien sans les autres.

Et les autres, c'est nous, qui que nous soyons.

On chie tous à la même place -ou presque.

Viviers serait content que j'aie osé la sortir, cette phrase-là.

Cela fait partie de mon patrimoine linguistique.

Ma patrie, c'est les autres.

Fuck le reste.




1 commentaire:

  1. Ah, moi aussi, j'en ai chialé des larmes, en écoutant ce gars-là.

    "gens du pays", je me souviens d'être venue chez vous....et d'y avoir eu chaud comme jamais, pourtant y f'sait -30.....

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