lundi 7 janvier 2013

Frère Roger priez pour eux

Frère Roger est un saint. Il a été canonisé récemment parce que depuis sa mort des tas de gens s'échangent ses saintes reliques: rognures d'ongles, papiers-mouchoirs remplis de glaire bénite et vieux sous-vêtements malodorants. Ils prétendent avoir été guéris de toutes sortes de maladies imaginaires après avoir embrassé les saintes reliques de Frère Roger. Ce n'est pas d'aujourd'hui que les gens sont crédules, au risque de dire qu'ils sont tout aussi stupides et superstitieux.

Reculons un peu dans le temps.

Roger Derouyn est né à Mascouche en 1883. Enfant malingre, difforme et peu bavard, ses parents se doutaient bien qu'ils n'en feraient pas un bon cultivateur. Il fût donc envoyé au séminaire pour entrer en religion comme l'on se débarrasse d'une pelle pas de manche. Bien que Roger priait beaucoup, c'était un élève médiocre qui, à force de manger des taloches derrière la tête, finit tout de même par être reçu dans l'Église à titre de frère, la prêtrise étant nettement au-dessus de ses moyens intellectuels compte tenu de sa méconnaissance du latin et des outils de comptabilité.

On ne savait trop quoi lui faire faire. On décida de l'envoyer mendier ici et là pour enrichir l'Église. Sa naïveté était telle qu'il ramassait pas mal plus de fric que les autres quêteux apostoliques. Il ne lui suffisait que de se présenter avec sa gueule de gros bêta. On le prenait tout de suite en pitié et on lui donnait ce qu'on aurait refusé à un autre gars qui porterait aussi une robe.

L'Église constata qu'il ramenait pas mal d'argent. On lui donna bientôt une chaise qu'on installa dans une petite chapelle, juste devant une porte qu'il devait ouvrir et fermer au passage des visiteurs.

Chaque fois qu'un malade passait le seuil de la porte de la chapelle, Frère Roger se mettait à pleurnicher en tapotant les bras du malade.

-Si ça fait pas piquié être malade de même!!! Ma foi du bonyeu... Je prie pour vous...

Les malades qui guérissaient finissaient par croire que c'était à cause de l'intervention de Frère Roger. Ceux qui mourraient ne disaient rien de particulier.

Frère Roger continua de toucher les malades et de toucher de l'argent aussi. La petite chapelle devint une plus grosse chapelle, puis un oratoire dédié à Saint-Christophe, parce que Frère Roger qui voyageait d'un bout à l'autre de la ville portait toujours sur lui une médaille à l'effigie du saint-patron des voyageurs et autres chiens errants.

Après sa mort, survenue le cinq mars 1953, le jour même où Joseph Staline mourut, des tas de vieilles plorines et de vieux ivrognes se mirent à raconter qu'on pouvait se guérir en touchant aux sous-vêtements ou bien à la morve de Frère Roger, devenu thaumaturge officiel de la sainte-église catatonique.

On aurait cru que ces niaiseries disparaîtraient au fil des ans, d'autant plus que les églises se mirent à fermer l'une après l'autre suite à des agressions sexuelles commises sur des enfants impliquant des membres du clergé. Mais non! Les gens étaient aussi cons et superstitieux qu'en 1953. Ils continuaient de se rendre à l'oratoire en rampant pour y trouver la guérison ou bien les chiffres chanceux à la loterie.

Frère Roger est devenu un saint l'an dernier, en 2012. Il s'appelle maintenant Saint Frère Roger.

Des tas de gens portent une médaille à son effigie. Ce sont les mêmes qui d'habitude portent sur eux des pattes de lapin. Les mêmes qui accrochent un fer à cheval porte-bonheur à l'entrée de leur maison. Les mêmes qui lancent du sel derrière leur épaule quand ils cassent un verre.

L'Église continue de faire du cash avec Frère Roger, bien entendu.

Et des tas de scrofuleux ne manquent pas de s'en faire accroire encore et encore.





2 commentaires:

  1. Coudonc j'ai vu apparaître le Frère André pour le voir aussitôt disparaître... hououououou! Bizarrre.

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