vendredi 30 juillet 2010

Amen

Le centre de jour Les copains est situé au centre de la ville. C'est facile à trouver. C'est au centre-ville. Suffit que d'aller droit au centre, droit au but, ou bien de ne pas y aller du tout, rien ne nous y oblige.

Il appert que les pas de Siméon Bournivoine se perdent parfois dans ce coin-là, au hasard de ses pérégrinations urbaines, d'un bar à l'autre de la ville.

Siméon n'est pas bâti sur un frame de chat mais il est court sur pattes. Je ne lui connais aucun surnom. Comme si son prénom en était un en soi-même. Siméon, c'est presqu'un surnom, nom d'un chien! Donc tout le monde l'appelait Siméon, le costaud court sur pattes qui boit comme un trou pour oublier qu'il est célibataire. Et qu'il ne pogne pas avec les femmes.

-Donnez-moé une femme pis j'arrête de bouère pis d'fêter! dit-il de temps à autre, lors d'une de ses innombrables brosses.

-Farme ta yeule Siméon! qu'on lui dit unanimement. Puisque les ivrognes boivent pour boire, pas pour se plaindre. Même si cette philosophie manque d'exemples concrets pour qu'elle s'installe en vérité irréfragable dans les tiroirs vermoulus de mon cerveau gélatineux.

Bon. Je ne sais plus où j'en suis, cher lecteur, chère lectrice. C'est toujours comme ça avec Siméon. On commence par un bout d'histoire et l'on passe du coq à l'âne, naturellement comme je viens de l'écrire.

Revenons donc à nos moutons et laissons le coq et l'âne de côté.

Siméon était moins saoul la dernière fois où je l'ai vu boire comme un cochon et il m'a raconté une anecdote à propos du centre de jour Les copains.

Au centre de jour, ils reçoivent des personnes avec des handicaps intellectuels pour les occuper et leur donner une vie à peu près normale. Au lieu d'attacher les handicapés intellectuels après la patte du poêle, comme on le faisait dans le mauvais vieux temps, on leur permet de sortir, de rencontrer des gens, de vivre à peu près humainement. Ce qui est tout à fait louable.

-J'passe devant le centre de jour Les copains, tantôt, pis sais-tu c'que j'entends? me lança Siméon au bar Les Escogriffes.

-Non? Qu'est-ce que tu entends? que je lui ai dit.

-«Autobus! Autobus! Autobus!» Une handicapée mentale. Était jammée sur «Autobus! Autobus! Autobus!».

-Autobus?

-Oui. A' criait «Autobus! Autobus! Autobus!». Jammée ben raide là-dessus. Pis là... ben la préposée A' s'met à lui dire «T'es jammée là d'ssus!» Pis sais-tu c'que la pauvre fille répond? «T'es jammée là-d'ssus! T'es jammée là-d'ssus! T'es jammée là-d'ssus!» Sacrament! A' décrochait p'us! «T'es jammée là-d'ssus! T'es jammée là-d'ssus! T'es jammée là-d'ssus!»  Ha! Ha! Ha! A' l'essayait d'la faire arrêter: p'us moyen! Était jammée là-d'ssus! Ha! Ha! Ha!

Bon. C'était l'anecdote de Siméon. Juste pour celle-là je suis prêt à lui pardonner de boire comme un trou. Au moins il ne dérange personne. Il n'est que l'ennemi de lui-même. Amen.

2 commentaires:

  1. si tu connais michel houellebecq, dis lui d'écouter le premier morceau de "street hassle" de lou reed en boucle pendant 10 jours dans une chambre chez raël. j'ai pensé à lui tout à l'heure, c'est pour ça. (pas lou reed, houellebecq)

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