vendredi 18 décembre 2009

Et si tout n'était que littérature

«Et si tout n'était que littérature? Si par-delà les cîmes de nos rêves il n'y avait que ça, des mots, hein?»

C'est ce que se disait cet hostie de trognon dans le fin fond de son être.

Trognon parce qu'il vivait comme un trognon, quoi.

Un trognon de pomme qui sèche derrière une vieille armoire et qui lentement pourrit dans son coin, à s'imaginer une vie faite de mots, de métaphores, d'oxymorons et autres fadaises de mécanicien du langage.

Trognon comme un imbécile qui ne sait pas écrire en dépît de toute sa science de la langue française. Tu lis une phrase de ce trognon et t'as le temps de te faire cuire deux jambons avant que tu n'y comprennes quelque chose. Juste de la mélasse métalangagière. De l'hostie de bouette, croyez-moi.

Trognon alias François Gériatrie était un homme entre deux âges, avec un peu de gris dans le toupet. Trognon était professeur à tel ou tel cégep. Il était spécialiste de l'oeuvre de Greimas, un gus qui n'était pas du tout poète et encore moins un artiste. Juste un spécialiste, quoi. Un trognon. Une pomme qui sèche derrière une vieille armoire. Et qui pense qu'elle sent bon. Si tant est qu'une pomme pût penser. Ce qui semble raisonnable à mes yeux intérieurs d'animiste.

Bref, Trognon se demandait si tout n'était que littérature. Une question grave à laquelle il avait consacré toutes ses énergies au cours des vingt-cinq dernières années, de ses études en littérature à l'Université du Québec à Plutonville jusqu'à son poste d'enseignant au cégep des Mille-Feuilles.

Trognon avait un peu de gris dans le toupet mais son toupet était de moins en moins épais. Je tiens à le préciser. Puisque tout n'est que littérature, hein?

Donc, Trognon se posait cette question tous les jours. Toutes les putains de journée.

Si je vous raconte ça, c'est parce que Trognon a changé tout récemment, ouais, y'a à peine trois jours. Il est comme ressuscité, le sacrement de Trognon. Et il assume son surnom maintenant.

-J'su's un hostie d'trognon! qu'il disait l'autre jour au bar Le Karaoké où la grosse bière est à cinq piastres.

Je ne l'avais jamais entendu parler sur ce ton. Manifestement, il semblait aller de mieux en mieux.

-Comment ça? lui demandé-je.

-J'porte ben mon surnom tabarnak! Trognon! J'su's 'ien qu'un hostie d'trognon! La littérature! La sociocritique! Greimas! Hostie que j'm'en calice! J'étais complètement à côté d'la track! Comme si j'm'enfermais en d'sous d'une galerie, ouin, ou ben don' d'une armoire... séchée comme une pomme sous une vieille armoire...

-Tu voés! Qu'est-cé qu'j'te disais Trognon? lui répondis-je sans malice.

-Ah Butch! Hostie d'fêlé d'tabarnak! Tu m'étonneras toujours toé mon hostie d'rieux sale! Ha! Ha! En tous 'es cas... Sérieux, man. On s'en calice! Hein qu'on s'en calice Gros Butch?

-Je ne suis pas gros. Juste ce qu'il faut pour survivre à un hiver de famine...

-Ok Gros Butch.

-Tape là-d'dans mononc'!

-Yeah! Gimme five!

-Ah pis on s'en calice-tu hein?

-Certain qu'on s'en calice!

-On s'en calice!!!

Aucun commentaire:

Publier un commentaire