samedi 29 août 2009

JE SAIS TRANSFORMER DES FICHIERS AUDIO DE FORMAT WAVE EN MP3

Je viens de comprendre comment transformer un fichier audio de format wave en format Mp3. Pour vous, ça se peut que ça ne représente pas grand chose. Pour moi, c'est comme si je venais d'inventer l'avion. Cela signifie que je vais enfin, après tant d'années, pouvoir envisager de faire de la diffusion audio régulière sur le ouèbe.

Je maîtrise par moi-même la technologie, ce qui est un plus, et me demande même si je ne me remettrai pas à produire un petit billet hebdomadaire, comme j'en produisais dans le cadre de mon émission de radio du temps de Radio Basse-Ville 96,1 FM, à Québec. L'émission s'appelait... Simplement. Comme quoi j'ai trop de suite dans les idées. Un peu maniaque sans doute. Parfois prévisible.

Simplement, c'était une sacrée émission... C'était en 2000-2001. J'en avais fait avant à Trois-Rivières et à Labrador City.

Le plaisir de faire de la radio... Ça me manque. Vais-je m'y remettre par la bande? Ici-même? De temps en temps? Hum... Redevenir didjé... De Herbie Hancock à James Brown, en passant par Lee Scratch Perry, Gainsbourg, Marley, Elvis, La Poune et Manda Parent... Et avec des enchaînements logiques s'il-vous-plaît! Toute la radio repose sur l'art d'enchaîner. Que ce soit pour diffuser de la musique ou faire du talk-radio: il faut savoir enchaîner, pas laisser de temps mort, ne jamais briser le rythme sinon pour créer un effet de surprise, ce qui suppose que ce n'est pas surabondamment utilisé.

Je vais faire un test ou deux. Puis vous me direz ce que vous en pensez. Ou vous ne me direz rien du tout. Je suis assez narcissique pour aimer à me lire et à m'écouter plusieurs fois: fichue stupidité d'artiste et d'écrivain ou mantras de type qui a trop d'imagination et qui ne supporte pas de s'ennuyer en troupeau... Je vis tous les dilemmes. Et je fais tout simplement ce que je peux.

Et ce que je veux itou par le fait même.

Merci de me subir. Et je me demande pourquoi je vous dis merci. Au fond, je ne vous demande pas un sou. Si ça se trouve, vous pourrez vous amuser à mes dépens, bande de chanceux!

Allez hop! Faut que j'y aille. Je vous laisse avec la Poune.

vendredi 28 août 2009

Ça sent encore la marde à Trois-Rivières


L'avez-vous sentie? Ben oui. Ça sent encore la marde à Trois-Rivières. Ça l'a toujours sentie pis ça la sent encore. C'est dur d'enlever cette odeur de marde qui colle à notre ville. Ben dur à enlever.

Ouin.

Et re-ouin pour les taouins.

Qu'est-ce qu'on fait avec un type qui s'est rentré un clou dans la tête et qui demande à fumer une cigarette?


Je viens de passer mon cours de secouriste.

C'était en fait une mise à jour.

J'ai revu les mêmes vidéos plates que la dernière fois.

L'instructeur était impeccable. D'abord, c'est un ambulancier qui pratique son métier entre deux formations. Ce qui fait qu'il est très près de la pratique et n'emberlificote pas trop ses étudiants avec de la théorie. Son cours était vivant. Il nous a raconté tout plein d'anecdotes où je décelais ces grandes questions que l'on se pose inévitablement devant la mort ou la souffrance d'autrui.

Parmi ces anecdotes, je vous rapporte celle-ci, sans vergogne.

C'est l'histoire d'un gars su' 'a brosse qui voulait se suicider avec un pistolet à clous. Il l'avait modifié de sorte qu'il puisse se crisser un clou de six pouces au travers de la tête. Ce qu'il a fait, évidemment. Sauf qu'il n'en est pas mort. Le clou est resté figé dans le crâne et le gars saoul a téléphoné au 911 pour avoir une ambulance.

Les ambulanciers arrivent, le type sacre comme un démon.

-Hostie d'tabarnak j'veux m'tuer pis ça marche pas! Maudit christ de ciboire! Hostie d'calice!

Les ambulanciers lui demandent d'abord de lâcher son pistolet à clous modifié, pour ne pas s'ajouter eux-mêmes sur la liste des blessés, puis ils suivent leur protocole d'intervention auprès du drôle de pistolet avec un clou figé dans le caillou.

Les ambulanciers ne savent pas tout. Le clou figé dans la tête, ça ne fait pas partie du manuel. L'un deux appelle le médecin en poste pour lui demander s'il doit avoir la tête immobilisée ou quoi que ce soit d'autre.

-Quoi? s'exclame le médecin. Il s'est rentré un clou dans 'a tête? Pis y'est conscient?

-Oui... répond l'ambulancier. C'est lui qu'on entend sacrer en arrière de moé...

Et on entend effectivement le cloué sacrer.

-Hostie d'tabarnak! 'Ai un clou dans l'front maudit christ pis j'vis encore! J'voulais mourir moé cibouère de saint-chrême!

-Emmène-moé c'te cave-là, réplique le médecin. Comme y'est là. Si i' veut pas d'la civière, qu'i' s'assise en avant...

Ils assoient le zigoto à l'avant, sur le siège du passager, et le voilà qui sacre encore et demande à fumer.

-J'veux fumer calice!

-Y'a des tentes à oxygène icitte, répond l'ambulancier... C'est pas sûr qu'c'est la meilleure idée...

-Ouin ben j'veux fumer moé calice de tabarnak! 'Ai un clou dans 'a tête! J'serais supposé d'être mort hostie pis j'vis encore tabarnak! HOSTIE D'TABARNAK!!!

Les ambulanciers achètent la paix et le laisse fumer, avec son clou bien planté dans sa tête enrobé de pansements.

-Hostie d'tabarnak de christ! 'Ai un clou dans 'a tête pis j'vis encore! Tabarnak!

Arrivés à l'hôpital, le show s'est poursuivi. Il a continué tout le long à sacrer, le clou dans la tête.

-Dépêchez-vous hostie! 'Ai un clou dans 'a tête tabarnak! Cibouère! Christ!

Pour le reste de l'histoire, franchement, mon instructeur n'est pas allé plus loin. Sinon pour nous dire que le type a survécu.

mercredi 26 août 2009

Bravo Claude Robinson!

Les héros, ça ne court pas tous les coins de rue.

En voilà un pour moi. Il a passé quatorze ans à se battre contre le plagiat commis par le géant Cinar envers son oeuvre. Et il a finalement gagné en cour quand tout le monde l'aurait cru depuis longtemps fichu, fini, aplati: «décroche mec, ça ne donne rien de te battre contre ces requins...»

Ben les tabarnaks n'auront pas eu sa peau.

Il a persisté dans ses recours judiciaires, le gus, et voilà qu'il remporte au moins 5 millions de dollars. Une belle montagne de fric pour leur dire fuck off ma gang d'hostie de crosseurs, le bras bien haut.

Franchement, Claude Robinson, l'auteur plagié de la série de dessin animé Robinson Sucroë, n'est pas homme à se laisser abattre.

Il fait pour moi figure de héros dans ce monde de lavettes et de casques de douche.

***

Post-scriptum du 28 août 2009:

Yves Boisvert nous démontre que l'affaire Robinson contre Cinar est un cas... isolé.

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Post-scriptum du 29 août 2009:

Les commentaires de Claude Robinson suite au jugement: la revanche du tout-nu de Duvernay. C'est rapporté par Nathalie Petrowski.

Le chaudron de fer



Ikwé la géante voyait bien que Donakhona le gros gras faisait tourner sa cuillère dans son ragoût d'ours. Il mangeait du bout des lèvres, quand il en avait assez de faire tourner la cuillère dans son bol, puis il soupirait comme si c'était la fin du monde. C'est qu'il pouvait être enfant quand les choses n'étaient pas à son goût!

-Mange Donakhona! Mange! C'est ton repas préféré, du ragoût d'ours! J'y ai mis des bleuets et de la farine de maïs pour épaissir... Il y a même du petit sel ramené par les Français... C'est bon ce petit sel...

-Mouin... Mais ça ne bat pas un bon ragoût d'ours cuit dans l'auge avec des pierres chaudes. La viande est plus tendre et elle n'a pas ce goût de fer qui ne me revient pas...

-Ça goûte la même chose mon gros loup! C'est pareil!

-Nenon! Le ragoût d'ours cuit dans l'auge de bois, avec des pierres chauffées au point d'éclater, y'a que ça de vrai! Les maudits chaudrons de fer ça transforme la viande en résine de sapin! C'est pas mangeable! On mâche et on mâche et ça ne veut pas se déchirer!

-Si c'est pas mangeable, fais-le donc toi-même le ragoût! Pff!

-C'est pas une mauvaise idée ça... Et même que je me ferais plutôt un ragoût de chevreuil chauffé lentement avec des pierres chaudes, dans une panse d'ours. Et je ne mettrai même pas du sel des Français et autres bagatelles de luxe! Je mangerais ça comme un vrai Anishnabé!

-C'est plus facile à laver les chaudrons! Ça se laisse décrasser tout seul! À Paris, les femmes font toutes comme ça... Et j'ai entendu dire qu'elles portent de jolies robes!

-Leurs robes? Pff! Y'a rien de plus beau qu'une femme toute nue!

-Tu ne penses qu'à ça! Allez! Lâche-moi le popotin et mange ton ragoût!

-N'empêche que ça goûtait meilleur... Le ragoût cuit dans l'auge ou dans la panse d'ours... Après les chaudrons de fer, ce sera la hache, le fusil, toutes sortes de trucs fabriqués par des esclaves, en France, qui ne peuvent jamais voir la lumière du jour... Et on appelle ça la civilisation? Et ils nous disent Sauvages? Bon sang de bonsoir, moi je dis qu'on vivait bien et qu'on n'avait pas peur de se faire voler son steak avant que les Français ne viennent ici! On ne passait pas notre temps à se scalper les uns les autres! Maintenant, on ne vaut guère mieux que des esclaves... On travaille toute la journée à vider les forêts de tout ce qui bouge, juste pour satisfaire nos appétits insatiables... Oh! je n'accuse pas que les Français... C'est nous qui le voulons, le chaudron de fer, et qui acceptons tout ce qui vient avec...

-Mange ton ragoût Donakhona! Mange!

-Maudit chaudron de fer!

mardi 25 août 2009

En lisant Bernard Assiniwi



J'ai beaucoup d'estime pour feu Bernard Assiniwi, auteur de l'Histoire des Indiens du Haut et du Bas Canada, publié en trois tomes aux éditions Leméac (Montréal, 1974). Quiconque veut un tant soit peu départager les faits quant à l'histoire des événements survenus sur l'Île de la Tortue doit passer un jour ou l'autre par Assiniwi.

Tous les préjugés qu'on a pu se faire sur les Indiens s'y effritent un à un, et je ne crois pas avec le peu d'objectivité dont je suis capable que ce ne soit là que la version aborigène du «mythe du bon Sauvage», mythe que l'on retrouve chez LaHontan tout autant que chez Rousseau et Sade. Un mythe selon lequel tout ce qui est Sauvage est essentiellement noble et bon. Évidemment, ça se donnait des claques sur la gueule dans le coin, bien avant l'arrivée des Européens. Cela dit, ce n'était pas la déchéance totale non plus comme les historiens européens ont pu le laisser croire.

Quoi qu'il en soit, je demeure profondément marqué par Assiniwi ne serait-ce que pour ce seul et unique satori qui m'est venu en le lisant hier.

Il raconte dans le tome 2 de son Histoire des Indiens qu'il ne faut pas chercher ailleurs que dans la nature toute la richesse des Indiens.

Un beau paysage parle de lui-même, bien plus que n'importe quel tableau que nous pourrions brosser.

Ce qui n'enlève rien à l'artiste-peintre. Cependant, ça invite le soi-disant civilisé à un peu plus d'humilité.

L'art des Indiens était de vivre en symbiose avec le Grand Cercle de la vie. N'est-ce pas tout ce que tentent d'établir avec des mots grossiers nos environnementalistes, encore tout empêtrés de scolastique et de statistiques grotesques?

Vivre en symbiose avec la nature, c'est ça le chef d'oeuvre des Indiens.

Pas besoin de musée pour ça.

Ce qui explique pourquoi tous les Indiens sont des artistes, des gigueux, des dessineux, des sculpteux, des peigneux, des brodeux, des tricoteux, des écriveux de niaiseries, des poètes, des débrouillards comme tous les gitans d'Europe et de Pluton.

L'art n'est pas dans les musées, chez les Indiens. Ils ont tous l'art dans le sang.

Iro. J'ai dit.

lundi 24 août 2009

E'l'ciel est rosé pis les feuilles sont vartes


-E'l'ciel est rosé en batêche bonyeu de bonyenne de viârge!

-Pis les feuilles sont vartes en sacrament!

-Vartes tu dis? Plus vartes que ça pis c'est d'la salade que j'te dis moé!

-C'est pour ça que j'dis qu'i' sont vartes en sacrament les feuilles!

-En tous 'es cas! E'l'ciel est rosé en batêche. Tchèque-moé ces nuages-là! Sont-tu pas rosés en saint-cibouère, hein?

-Ben sûr ben sûr. Mais moé c'est 'es feuilles qui m'font capoter. Hostie qu'i' sont vartes!

-On dira c'qu'on voudra, c'est beau en hostie e'l'Québec.

-Moé 'e changerais pas d'place. Calice que non.

-As-tu vu ça ailleurs? Moé 'ai voyagé un peu pis e'j'peux te l'dire mon homme, icitte c'est ben mieux qu'ailleurs!

-'Ai déjà passé deux jours à Paris moé...

-Pis?

-Ben c'est cher en calice pis tu voés pas d'arbres pantoute, 'ien qu'des petits t'a'bres pis du monde qui t'réponde même pas quand tu leu' d'mandes y'oùsse qui peut ben être ton ch'min pour aller à l'hôtel ou ban don' au bar-tabac du coin... En tous 'es cas! C'est plate là-bas, j'te dis... Les deux jours les plus plates de ma vie. Pas moyen nulle part d'aller à pêche pis d'boire une bière tranquille près d'un ti-feu avec les chums... Tabarnak que j'y r'tournerais pas!

-Moé j'ai été à Old Orchard pis y'a plein d'déchets su' 'a plage. E'l'monde sont cochons en calice!

-C'est vrai en christ c'que tu dis là. Hostie que l'monde i' sont cochons!

-Icitte e'l'monde s'ramasse encore un peu... Pis en plus tu peux aller à 'a pêche, bouère une p'tite bière tranquillos, pis e'r'garder crépiter un feu, pis vouère e'l'ciel rosé pis les feuilles des a'bres qui sont vartes en sacrament!

-C't'en plein ça mon Roland.

-Hostie, on est ben au Québec pis on l'sait pas saint-calice de tabarnak!

-I drink to that!

dimanche 23 août 2009

Les enfants ne savent pas mentir


Les enfants disent toujours la vérité.

Quand ils essaient de mentir, ça paraît tout de suite. Le mensonge convient mieux aux adultes. Pour les enfants, tout mensonge est caricatural, les yeux et le menton bas, les mains derrière le dos à tracer un cercle au sol avec l'un de ses pieds. Ils se font prendre tout de suite, les enfants.

-Ah-ah! Tu essaies de m'en passer une vite mon petit poucet!

-Ne...non! dit-il en caricaturant l'attitude précitée.

C'est qu'on voit tout de suite clair dans le jeu des enfants.

Parce que les enfants ne jouent pas avec ce qu'ils observent. Ils sont la franchise même.

Quand un enfant croise un vieux rabougri ou bien un gros lard, c'est sans malice qu'ils confient le fond de leur pensée.

-Ce monsieur est laid! L'autre monsieur est gros! Pourquoi les deux messieurs puent, hein?

C'est gênant d'entendre ça, mais c'est comme ça et ça vient du fond du coeur, sinon des narines.

Avec le temps, l'enfant va finir par apprendre à ne pas dire tout ce qu'il pense.

Bientôt il ne baissera plus les yeux ni le menton.

Il dira merci quand ça lui tenterait plutôt de dire va chier.

Il ne tracera plus de cercles au sol avec son pied.

Il restera planté devant vous à vous regarder avec cet air un peu louche qui camoufle des tas de pensées, de projets, de rêves, de trucs à réaliser qui n'appartiennent plus au pays de l'enfance.

On vieillit. On devient sérieux.

Et d'autres enfants s'ajoutent, d'une année à l'autre, partout, des enfants qui tracent des cercles avec leur pied juste parce qu'ils ont mangé tout le chocolat ou bien parce qu'ils ont fait partir la laveuse avec le chien et le chat de la maison enfermés dedans.

Ah! le paradis de l'enfance...

vendredi 21 août 2009

Politiquement vôtre

Je ne vous la ferai pas tous les jours. J'essaie de ne pas parler de politique autant que faire se peut.

Cela tient presque de l'héroïsme pour quiconque me connaît un tant soit peu.

Ce n'est pas que je sois particulièrement querelleur, c'est juste que le mépris des pauvres me pue au nez. On n'a pas besoin d'avoir lu Marx pour comprendre que la lutte des classes se poursuit sous tous les putains de régimes politiques. Y'en a toujours des taouins qui cherchent à écraser les autres, pour se prouver je ne sais trop quoi, sinon qu'ils sont la honte de l'humanité.

***

Politiquement vôtre, c'est le titre de mon billet ce matin. Hou! Ça promet... Quelles conneries de gérant d'estrade je vais sortir là? Grattons un peu pour voir...

Prenons notre système politique, tiens, notre monarchie constitutionnelle travestie en démocratie parlementaire à scrutin uninominal à un tour...

D'abord, je ne changerais pas ce gruau fade contre tout ce caca stupide qui gouverne le reste du monde. On a beau crâner autant qu'on voudra, la société la plus socialiste du monde, dans le bon sens du terme, on s'en rapproche un peu. Et je dis on parce que tout ce Disneyland que je me fais dans ma tête à propos du Québec et du Canada ne provient pas de politiciens éclairés, mais bel et bien d'agitateurs obscurs qui n'ont pas craint de porter des bouts de pancartes pour que les types en cravates gouvernent du bon bord, par crainte de passer par-dessus bord.

Les mutins ont le dessus et tout ce qu'on veut, au fond, c'est un bon salaire et de quoi s'amuser. Panem et circem en quelque sorte. Du pain et des jeux. Donc, le capitaine reste aux commandes et au lieu de dire «fichtre et sapristi vous êtes des abrutis» le voilà qui dit «come on folks! have fun and get a beer!» C'est ça ou bien il crève. Et nous voilà en pleine sociale-démocratie, un système plutôt sympathique, qui ne sacrifie pas tout à fait les droits de la personne et qui permet aux pauvres de souffler un brin. Et peut-être même, ô crime des crimes pour un bourgeois qui s'achète des godemichés au sex-shop du coin, de boire une petite bière.

Ça voudrait que les pauvres n'aient que des vertus et, pleins aux as, ça ne sait pas donner l'exemple. Tu-tu-tu! Regardez la poutre qui traverse votre oeil au lieu de pitcher de la paille dans les yeux du voisin. En vérité je vous le dis, ne faites pas chier les pauvres.

***

Éric Caire, candidat au "leadershit" d'un petit parti minable de province, survivance des bérets blancs et des créditistes, propose, oh que c'est fils à papa et petit-bourgeois comme mentalité, de hausser les frais de scolarité. D'abord, qu'il y ait des frais de scolarité, ça ne me revient pas en tant qu'Indien. C'est le devoir de la communauté de soutenir l'éducation des enfants jusqu'à leur adulescence s'il le faut. D'abord, un type instruit c'est toujours bien quelqu'un de plus qui sait lire, écrire et baragouiner un peu en anglais. Tout ce qu'il faut pour faire la piastre en définitive.

Victor Hugo, dans Les Misérables, faisait dire à peu près ceci à l'évêque de Digne: l'éducation devrait être gratuite pour tous, la société paie pour les ombres qu'elle produit. C'est au tout début du roman, en haut à gauche. Je vois la page 43 ou 83... L'image mentale est un peu floue... Cela devait être dans l'édition Marabout la moins chère, achetée à vil prix dans quelque bazar du livre...

***

Quand toutes les shops ferment, on se dit que l'avenir est peut-être ailleurs.

Dans la fabrication de baguettes chinoises par exemple.

Un milliard de chinois qui mangent avec des baguettes, ça fait pas mal de monde en bout de ligne. Mettons qu'on vend ça une piastre. Un millard cash. Moins les taxes pis l'impôt pis le graissage politique. Je dis ça d'même moé-là. Z'êtes pas obligés de me suivre.

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J'ai jamais dit que j'étais brillant. Mais on ne me fera pas dire qu'il faut payer pour l'éducation. C'est pas vrai que les étudiants sont pleins aux as. Y'en a qui en arrache. Généralement, on ne les voit pas à l'école. Ils n'ont pas les moyens d'y aller. Et il faudrait hausser les frais, rendre l'école encore plus inaccessible, tout ça pour satisfaire le mépris de petits-bourgeois fils à papa déconnectés de la société dans laquelle ils vivent? Pouah! Elles puent vos idées, gens de l'ADQ...

***

Thierry Vandal est ce grand patron de notre chère et bienaimée Hydro-Québec dont nous sommes tous et toutes, Québécois et Québécoises, les généreux et magnanimes copropriétaires. Hydro-Québec est le fleuron de notre pays. Notre sovkhose de l'électricité à bon prix que l'on vend à plus gros prix à nos voisins. On en fait du beau et bon cash avec l'Hydro.

M. Vandal, notre employé, a validé des contributions totalisant 450 000$ à deux collèges privés. Pour le collège Notre-Dame, le hic c'est qu'il siège sur le conseil d'administration du collège PRIVÉ en plus d'être un ancien étudiant. Voilà que notre employé se permet des largesses de grand prince et qu'il finance les collèges privés, alors que l'école publique manque de moyens... Il y a l'apparence d'un conflit d'intérets, pour rester poli.

Une société publique doit soutenir les institutions publiques, cela va de soi. C'est juste la grosse hostie de logique.

jeudi 20 août 2009

Debout! les damnés de la terre-heu!


Il n'y avait qu'un communiste notoire dans mon quartier pauvre comme bien d'autres quartiers pauvres.

Il n'y en avait qu'un seul et il s'appelait Charles Bordeleau. C'était un monsieur solide sur pattes au front un peu dégarni, père de trois garçons et deux filles, qui était président du syndicat de la cimenterie.

Dans une petite ville comme la nôtre, monsieur Bordeleau était ni plus ni moins l'ambassadeur de Brejnev dans le quartier. Il avait des idées bien arrêtées sur le monde. Le drapeau rouge avec la faucille, l'étoile et le marteau flottait aux balcons avant et arrière de son logement situé juste au-dessus du dépanneur Lescabeault Enr.

Ça ne faisait pas jaser tant que ça. Le petit monde du quartier ne s'intéressait pas à lire ni à écrire. Les communistes, pour eux, c'était du monde qui faisait du «porte emporte», des illuminés qui propagaient la foi et voulaient enlever la bière des frigos. Les gens du coin, en autant qu'ils pouvaient se payer du ti-coq (du poulet dans notre patois) eh bien l'affaire était ketchup. Rouge ou pas. Alors les communistes, pour eux, eh bien qu'ils mangent leur ti-coq de leur bord et tout sera tiguidou (convenable dans notre patois).

Pour nous, qui savions lire et écrire, un communiste c'était monsieur Bordeleau. Un monsieur qui faisait jouer de la musique bizarre dans le quartier le dimanche matin. Debout les damnés de la terre à neuf heures le matin, ça cogne fort en s'il-vous-plaît.

Ça nous faisait tout de même rigoler cette musique de fanfare.

Monsieur Bordeleau avait ses connexions à Moscou et il réussissait à faire venir en ville des tas de moscovites et autres avaleurs de sabres. C'était à l'époque de la série du siècle, l'épopée Canada contre la Russie au hockey. On trippait sur les Russes. On voulait goaler aussi bien que Trétiak. Et tout ce qui était russe nous disait que la technologie ne remplaçait pas la volonté. Les Russes pouvaient patiner sur de vieux patins en tuyaux et tout de même remporter la partie. C'était une leçon à retenir: la détermination du Russe.

Évidemment, nous ne savions rien encore du goulag. Monsieur Bordeleau, le seul communiste du quartier, n'en parlait jamais.

Il préférait nous faire écouter un peu de sa musique.

-Debout! les damnés de la terre-heu!

mercredi 19 août 2009

L'entrevue

Le décor était terne et les murs peints en bleu pastel, franchement, ce n'était pas l'idée du siècle. Ça paraissait jusque dans l'attitude de la réceptionniste et des deux ou trois conseillers en ressources humaines qui travaillaient là. Ils étaient tout aussi ternes et leurs yeux avaient le même éclat que ceux des poissons morts.

-Bon, ben ç'a ben l'air que c'est icitte que ça s'passe l'entrevue pour le poste de gérant du personnel...

Le candidat s'appelait Julien Archambault. C'était un gros et grand bonhomme de six pieds trois pouces qui avaient beaucoup bourlinguer aux cours des années, comme en faisait foi son cv. Il avait exercé tous les métiers, de plongeur jusqu'à gérant d'entreprise, en passant par plusieurs petits boulots de journalier.

-Pourquoi changez-vous fréquemment d'emploi? lui avait demandé une conne qui faisait office de conseillère en ressources humaines.

-Parce que dans mon temps, il n'y avait que des McJobs. On travaillait trois mois à quelque part et c'était déjà la fin de la subvention ou du contrat. Ça fait que je sautais vers une autre job. Ça prouve que je sais m'adapter à cette époque de cul, non?

En entendant le mot cul, la conseillère s'était mise à faire la moue pour marquer une forme de désapprobation. Archambault s'en calissait. Il en avait vu d'autres. Il n'allait pas se laisser impressionner par une jeune fille de vingt-six ans qui avait l'air d'en avoir cinquante-huit parce qu'elle s'habillait en matante et prenait l'air sérieux de l'incompétence crasse.

-Quelle est votre vision de la gestion du personnel, ajouta-t-elle en se foutant le crayon dans la bouche.

-Ma vision? La meilleure chose qu'il faut faire, parfois, c'est de ne rien faire. Au lieu de paniquer pour rien chaque fois que quelqu'un pète: respire par le nez, attends le lendemain, puis applique des décisions mûrement réfléchies au lieu de sauter les plombs comme un hostie d'cave!

En entendant l'expression «hostie d'cave», la conseillère sourcilla encore plus.

Archambault, nullement affecté, poursuivit.

-Ma vision du leadership est la même que celle de Frodon Sacquet dans Le Seigneur des Anneaux... Y'a plein d'hosties de taouins qui bandent sur l'anneau de pouvoir et qui se transforment en monstres juste parce qu'ils ont le droit de donner des ordres... Christ que c'est pas moé ça! Être gestionnaire, c'est servir ses employés, les aider pour accomplir leur besogne, leur trouver des moyens d'apprécier ce qu'ils font... Si vous m'engagez, la première affaire que je vais faire c'est d'essayer de rétablir la bonne humeur... Parce que j'ai entendu dire que l'employeur pour lequel je postule est reconnu pour crisser tout le monde dehors après deux ou trois mois, juste parce que personne n'aime ça travailler en se faisant engueuler par des pas de couilles et des hystériques bourrées de pilules. Donc, j'ai des couilles et je ne prends pas de pilules. Je suis le candidat idéal, quoi! La bonne humeur et la liberté, c'est bien plus productif. Je ne crois pas à ça, moé, l'excès d'autorité... Fais-toé respecter en premier et tu auras l'autorité anyway. Quand tu cries, tu fais juste prouver que tu ne maîtrises pas la situation.

La conseillère en ressources humaines ne trouva rien à redire. Elle mâchouilla son crayon en maintenant dans sa tête la ferme conviction qu'elle n'embaucherait jamais ce gus. D'autant plus qu'elle se faisait engueuler tous les jours par son patron, une ordure qui trafiquait les factures et obligeait son staff à l'appeler monsieur, gros comme le bras.

Archambault leva son cul de sa chaise.

-En tout cas, on éternisera pas cette entrevue pendant des heures. Vous savez où me trouver si vous avez besoin de moé.

-L'entrevue n'est pas finie monsieur...

-Ben oui est finie! R'garde, t'as mon cévé, ma lettre de présentation, j't'ai serré la main... Qu'est-cé qu'tu veux d'plus tabarnak? Que je danse la javanaise avec une banane dans l'cul?

mardi 18 août 2009

Petite ville industrielle à vendre



C'était une petite ville industrielle que l'on avait installé sur un magnifique site naturel constitué d'une forêt de pins et de plages de sable fin. Évidemment, il n'y avait plus de forêt et le seul bout de plage de sable fin sauvegardée ne valait pas toujours le détour, surtout par jour de canicule, quand les motomarines et les systèmes de son crachaient le bruit à plein volume pour rendre l'expérience encore plus désagréable.

Bref, c'était une petite ville industrielle triste. D'autant plus triste que l'industrie se retirait et l'argent itou. Ce qui fait que la ville s'était transformée en terrain vague géant autour d'un petit bout de terrain vague que des promoteurs véreux avaient trouvé le moyen de mettre à leur profit avec les taxes des autres, se promettant de faire reculer les BS toujours plus loin du centre-ville, vers les blocs de béton construits spécialement pour eux près des autoroutes. Ce qui permettrait aux farceurs de faire du motomarine en toute quiétude quand ils délaisseraient un moment leur condominium avec vue sur le fleuve majestueux et cette plage minable.

Cette petite ville industrielle était reconnue pour sa puanteur dans toute la province. Et sa puanteur, selon ce qu'on entendait dire de cette ville dans les milieux dits progressistes, était autant la conséquence de l'industrie que celle des zigotos qui étaient au pouvoir, des arriérés qui semblaient tout droit tirés du film Borat.

Oui, ça sentait la merde quand on passait par là. Une odeur sulfureuse de gaz excrémentiel. Des politiques de taouins incultes et barbares qui jouaient aux grands seigneurs de la Nouvelle-France en se crissant d'aplomb des lois et des réglements. C'est pas mêlant, dans cette ville le seul espoir que pouvait avoir un opposant c'est de tomber sous la protection de l'ONU parce que tout le reste du pays savait bien que c'était une petite ville industrielle de merde qui ne valait pas la peine qu'on s'en préoccupe. «C'est des taouins dans ce coin-là. C'est normal qu'i' soèyent gouvarnés par des taouins!»

On pratiquait la prière dans cette ville, comme dans le bon vieux temps. Et comme dans le bon vieux temps les salaires y étaient plus bas que partout ailleurs. L'élite locale colportait les idées du pléistocène laurentien et ultramontain. Tout n'y était que préjugés envers les pauvres et les séances publiques du conseil municipal étaient paquetées par les partisans du maire, un type qui se vantait d'être bilingue dans une ville de taouins essentiellement unilingues qui ne savaient pas que la Floride était aux États-Unis et que l'Espagne était un pays. Ça expliquait son succès auprès des gens de peu d'éducation qui en avaient assez de se faire voler leurs jobs par des «étranges». Ils voulaient du «pro-actif», une expression surabondamment utilisée par les incultes.

Pourtant, il y avait de moins en moins de jobs, comme dans toutes les dictatures.

Et les habitants de cette ville avaient de la difficulté à se trouver des médecins parce que les médecins savent généralement lire et écrire. Et ils savent qu'ils s'emmerderaient là.

Le journal local faisait souvent l'éloge du maire. On le voyait sourire tous les jours dans les pages de la Pravda locale. C'était un petit sourire forcé. Mais un sourire quand même. Le sourire du maire... Qu'est-ce qu'on se marre...

Un ancien patron du journal était maintenant conseiller spécial du maire. Tout ce concert d'éloges s'expliquait par ce maître d'orchestre.

Tout s'expliquait dans cette ville de taouins. Tout.

Mais tout le monde s'en calissait.

Tout simplement parce que ça puait trop.

-J'finirai pas mes jours icitte ciboire! Hostie que non! se disait tout un chacun.

lundi 17 août 2009

Fin de la 40e édition du Grand Prix automobile de Trois-Rivières: encore plus de pollution l'an prochain!


Le Grand Prix automobile de Trois-Rivières est enfin terminé. Fini le bruit! Finie la pollution!

Quel est l'abruti qui a eu l'idée de faire l'éloge de tout ce qui révulse ne serait-ce qu'un iota d'une conscience écologique à peu près ordinaire? Plus de bruit! Plus de pollution! Plus de gaz carbonique dans l'air! Et tout ça en pleine période de canicule...

Hier, on entendait les hélicoptères tournées au-dessus de la piste de course.

-Tchop! Tchop! Tchop!

Puis le son strident des bolides des visages pâles qui se foutent autant de l'oxygène que des bisons.

-Rrrrrrooaaaarrrrrr! Rrrrrrrhurrrrrrr! Rrrrrrreich!

Tout ça mis ensemble ça faisait:

-Tchop! Roar! Tchop! Rhur! Tchop! Reich!

Et on entendait ça jusque sur l'Île Saint-Quentin. Jusqu'au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Jusqu'à Baie Jolie. Jusqu'au Rochon. Partout autour. Apocalype Now saint-ciboire. Avec les choppers et le bruit des mitrailleuses. La civilisation est entrée dans la jungle. Ça va saigner. Ôtez-vous de d'là. Tasse-toé mon oncle.

Les automobilistes avaient tous la rage au volant. Ça faisait crisser ses pneus à coeur joie hier. Célébrons le Grand Prix hostie, comme des hosties de morons.

-Tchop! Tchop! Tchop! Roar! Rhur! Reich!

Apocalypse Now. Christ qu'on a du fun...

Il fait chaud comme ça se peut pas et c'est là à regarder des bolides dévaster une ville au complet au nom de je ne sais trop quelle idée de sauvage.

Feu le grand chef Capitanal n'en reviendrait pas. Feu le sieur de Laviolette non plus. Même qu'il aurait un peu honte d'avoir favorisé l'implantation de ces tueurs de bison du dimanche qui massacrent tout ce qu'ils peuvent parce qu'on leur a dit que c'est bon pour vendre des hamburgers.


***

Le plus bel événement sportif de Trois-Rivières, pour moi, c'est la Classique internationale de canot. D'abord, le canot, c'est vraiment un sport. C'est écologique et ça bouge à force de bras.

Les canoteurs effectuent la descente de la rivière Métabéroutin (anciennement Saint-Maurice) jusqu'à l'embouchure, sur la belle plage de l'Île Saint-Quentin, goélands tournoyant dans le ciel bleu et immense du grand fleuve Magtogoek (anciennement Saint-Laurent).

Il y a des portages. C'est épuisant. Les gars et les filles qui font la Classique de canot sont en forme en sacrement, je vous en passe un papier.

Cet événement nous distingue vraiment puisque de tout temps Trois-Rivières a été une zone de commerce et d'échange. Et rien ne représente mieux cette idée que le canot, avec lequel s'est réalisée l'occupation du territoire par les humains.

C'est que Trois-Rivières n'a pas que 375 ans d'histoire...

Bon 10 000e anniversaire, Twois-Wivièwes!

dimanche 16 août 2009

C'était pas mal chaud pour un 16 août


C'était pas mal chaud pour un 16 août.

Il y avait eu un coup d'État au Honduras quelques jours auparavant mais ça ne leur disait pas grand chose, le Honduras, puisqu'ils n'en avaient jamais entendu parler jusqu'à ce jour. Enfin, je dis ils et ça devait bien en intéresser un ou deux. Denis, par exemple. Il avait toujours le nez dans les livres à la recherche de quelques vieux trucs même plus à la mode. Un original ce Denis. Idem pour Jean-Luc. Le Honduras, c'était un pays lointain où il y avait des arbres. Ça le faisait rêver.

-Plus tard, je serai tueur à gages, qu'il disait, Jean-Luc, tout en se confectionnant des bâtons de baseball au-travers desquels il faisait passer des clous de six pouces.

À part de ça, le pape Paul VI était mort le 6 août dernier. The Ramones avait sorti son album Road to Ruin. Barry Manilow chantait Copacabana. John Irving présentait son roman The World According to Garp. Spielberg nous faisait rencontrer son troisième type.

Bon, assez d'histoire. Tout ce que voulaient faire ces jeunes en ce 16 août 1978, c'était voir s'il est possible de faire cuire un oeuf sur l'asphalte comme le dit le dicton «i' fait tellement chaud tabarnak qu'on pourrait s'faire cuire un oeuf su' l'aspha'te!»

L'oeuf était cassé et franchement il ne cuisait pas fort. Bien qu'il passait de la translucidité à la blancheur, très lentement, on ne pouvait pas dire que l'affaire était ketchup.

-Ça cuit même pas ces hosties d'oeufs-là! hurla Denis. Tabarnak!

-C't'une hostie d'farce... Les oeufs ça s'cuit pas su' l'aspha'te! cria Jean-Luc et tous les autres voyous de dix ans en rajoutèrent.

-On d'vrait chier d'ssus! disait le grand Lafrenière. Il disait tout le temps ça. À l'entendre, il chiait sur tout presque tout le temps.

-Laisse faire ton chiage Lafrenière! Sens-toé pas obligé d'baisser tes culottes chaque fois qui arrive que'que chose!

-Va donc chier toé!

Et voilà que ça s'engueulait autour d'un oeuf. Quelques claques. Rien de sérieux. Tout le monde s'était habitué à en donner et à en recevoir.

Il faisait chaud en sacrement dans le faubourg à m'lasse, à deux pas de la Wabasso Textile. Ça ne serait pas long que toute la bande aurait fui la ruelle brûlante pour se réfugier à l'ombre, à suffoquer de chaleur dans un logement étroit du centre-ville de Trois-Rivières.

Denis retournerait lire ses livres. Jean-Luc irait plutôt se cacher dans son hangar pour cogner des clous ou préparer des mauvais coups. Ses parents seraient saouls et peut-être en train de se battre, comme d'habitude.

Il faisait chaud comme le christ en ce 16 août 1978. Il n'y avait pas d'air. Pas de piscine. Pas d'arbre dans la rue. Pas d'ombre. Rien qu'un oeuf sale recouvert de mouches qui cuisait vraiment sur l'asphalte somme toute.

Les autres, je ne sais pas trop où ils s'en iraient. Ils devraient essayer de survivre, comme tout le monde dans le patelin.

Anyway, on s'en calice.

samedi 15 août 2009

Salut Ti-Rat!


Je viens d'avoir une petite conversation avec un écureuil noir.

Ça n'a pas été très long. L'écureuil n'avait pas grand chose à dire.

Ça cherche de la bouffe toute la journée ces petites bébites-là. Et même que ça n'aurait pas plus de mémoire qu'un dé à coudre. L'écureuil cache sa bouffe un peu partout et ne se souvient plus l'hiver venu des endroits où il l'a cachée. Ce qui fait qu'il passe ses journées agité comme l'enfer, l'écureuil, à courir de gauche à droite comme une poule pas de tête. Il déterre tout. Plante son museau dans tous les trous. C'est fou comme ça fouille et farfouille un écureuil.

En tous 'es cas, je crois sur parole le biologiste amateur qui m'en a parlé. On ne viendra tout de même pas me reprocher de nourrir des préjugés envers les animaux. Ça ne me dérange pas du tout que l'écureuil soit nul et se bourre les bajoues pour avoir de quoi à grignoter au cas où il serait trop con pour se souvenir de l'endroit où il a caché ses graines et autres détritus.

Ce qui fait que mon écureuil n'avait pas grand chose à dire.

Je l'ai regardé droit dans les yeux et je lui ai dit simplement «Salut Ti-Rat!».

Ti-Rat n'a pas bougé d'un cil et m'a observé avec ses grands yeux noirs.

Pourquoi Ti-Rat, hein? Parce que les écureuils ressemblent à des rats avec une queue un peu plus touffue. C'est à peine plus gracieux. Et franchement, ce n'est pas plus bavard l'un que l'autre.

Ti-Rat m'a tout de même observé un bon moment. Peut-être qu'il se disait en lui-même que c'est ce gros-là qui doit lui chiper toutes ses provisions qu'il ne retrouve jamais l'hiver venu. Ce qui fait qu'il devra travailler toute l'année, parfois à des températures de vingt sous zéro, sans compter le facteur humidex qui rend nos hivers si rudes. Ti-Rat va se fendre le cul en quatre toute l'année pour demeurer joufflu.

Dans le fond, je comprends pourquoi Ti-Rat ne m'a pas rendu mes salutations. J'ai été vulgaire. Je ne l'ai pas appelé Monsieur Ti-Rat. Je l'ai traité comme si nous avions élevé les cochons ensemble. Salut Ti-Rat... Si d'aventure un inconnu me disait «Salut e'l'gros!», eh bien je lui calicerais mon poing dans 'a face. Ou bien je l'enverrais chier. Je ne laisserais pas passer cette impolitesse.

Ti-Rat n'a pas beaucoup de mémoire, mais il veut qu'on le respecte.

Il m'a donc détourné le dos. Il a sauté du poteau de la corde à linge jusqu'à la branche de l'amélanchier qui pousse derrière la remise. Puis de l'amélanchier il sauta à l'érable.

Il me jeta un dernier coup d'oeil de côté, l'air de dire fuck off mon hostie d'gros singe.

Puis il grimpa dans les branches et se perdit dans le feuillage.

Il dérangea quelques mouches et chenilles au passage.

Tout devint ensuite étrangement calme. Plus aucun bruit, sinon celui des climatisateurs du quartier qui laissaient entrevoir une journée très chaude et très humide.

Bon ben, salut Ti-Rat...

BUZZ LITTÉRAIRE

Tiens, je suis à la une du blog Buzz littéraire ce matin. C'est un blog produit en France où il est question de littérature et de jeunes auteurs. À quarante-et-un an, je m'étonne d'être encore jeune... Enfin! Je vieillis bien, comme le bon vin.

Buzz littéraire a reproduit mon texte intitulé «Les Français traduisent l'américain comme des cons». Après ça, on viendra me dire que les Français sont chauvins et orgueilleux!

Tabernacle!

vendredi 14 août 2009

Quand j'étais petit je n'étais pas grand (Plume Latraverse)


Quand j'étais petit je n'étais pas grand. C'est une phrase facile. Je l'ai entendue dire de la bouche de Plume Latraverse. Cette tautologie vaut le détour, quiconque l'ait pu dire le premier. Je serai donc le troisième, sinon le énième à vous rabâcher les oreilles avec quand j'étais petit je n'étais pas grand.

Quand je n'étais pas grand... Enfin, quand j'étais plus petit que mon père et ma mère, tous deux frôlant les six pieds.

Mon père faisait cinq pieds onze. Ma mère fait six pieds facile. Et mon vieux, orgueilleux comme il était, marchait toujours le menton bien haut pour récupérer le pouce manquant sur ma mère quand il marchait à ses côtés. J'en ris encore rien que d'y penser!

Ah! feu mon père, Conrad comme il s'appelait, alias Teddy pour ses camarades de la Reynold's Aluminium Company de Cap-de-la-Madeleine, quel pince-sans-rire il était.

Je l'ai toujours trouvé drôle. Son humour était tout subtil ou bien explosif à en couper le souffle. Conrad pouvait être d'un calme olympien tout aussi bien qu'il pouvait brasser sa cage à en imposer le respect. Il avait la carrure d'un bûcheron, grand et large comme un frigidaire. À cause de son prénom et de ses cheveux en brosse le voisinage croyait qu'il était un boche alors qu'il était plutôt un Sauvage, comme ma mère par ailleurs qui provenait d'une famille portant des plumes et des coquillages.

***

Mon père est mort lors de la première journée du Grand Prix automobile de Trois-Rivières...

Les funérailles furent inoubliables: la pédale dans le prélart pendant trois jours, jusqu'au cimetière St-Michel, inhumé pendant la finale du Grand Prix qui se passait juste à côté... Vrrrr... Et un dernier salut au patriarche... Vrrrr... Lui qui n'a jamais eu de permis de conduire ni d'automobile. Lui qui détestait le bruit des autos... Vrrrr... Lui, mon Grand Chef, fils d'Éloi Bouchard et Adrienne Létourneau, métis d'ascendance algonquine, micmac, française et peut-être madagascarienne qui sait. Vrrr... Ah! les moteurs vrombissants du Grand Prix, quelle connerie à mes oreilles!

***

Quand j'étais petit, je n'étais pas grand.

Et feu mon père n'aimait pas les autos.

Il insultait ceux qui passaient sur la rue en faisant crisser leurs pneus.

-Va faire ça ailleurs tabarnak! qu'il gueulait en brandissant ses bras au-dessus de sa tête. Décalice mon hostie d'taupin!

C'est que mon père était tout seul contre le monde entier. Il ne demandait pas à l'État d'intervenir dans ses affaires courantes. Il était un État à lui seul. Comme tout Indien, quoi. Une personne, un État, un Roi. Je retiens d'eux moi aussi. L'humanité n'est pas un troupeau. Mais une conjonction de personnes souveraines dont les droits sont défendus par la communauté.

-Hostie d'boucane de char de sacrament! Moé j'en veux pas d'char! Y'en a qui ont des chars pis qui ont rien dans l'frigidaire! Moé mon frigidaire pis mes enfants vont passer avant les maudits chars! Pis j'farmerai pas ma gui-yeule saint-sacrement d'calvaire! Mon nom c'est Conrad Bouchard tabarnak c'est pas Lalancette! Ça pue les chars!

C'est que mon père était un écologiste avant la lettre, bien qu'il tenait un tout autre discours sur les écologistes.

-Des hosties d'barbus d'tabarnak! Ça voudrait que l'monde mange des fleurs pis fermer toutes les shops! Où c'est que l'monde va travailler ciboire si i' ferment toutes les shops, hein? On va manger quoi? Des navets pis des patates comme en Pologne? Hein?

J'aimais ses contradictions. Ça le rendait drôle. Et profondément humain.

Hostie, j'voudrais dire que je m'ennuie de lui pis ça ne serait pas vrai.

Il est toujours là, près de moi. Il vit en moi, pour toujours, et m'accompagnera jusqu'à mon dernier souffle, c'est certain.

Pis en plus, il n'aimait pas nous voir larmoyer.

-Un homme ça pleure pas, qu'il pensait sûrement.

De fait, je ne l'ai vu pleurer qu'une seule fois dans sa vie. C'était le premier de l'an. Un mois après avoir appris qu'il lui restait trois à six mois avant de mourir de son cancer. Ça me glace encore le coeur rien que d'y penser. Brrr...

Donc, cessons de brailler s'i'-vous-plaît. On n'a pas besoin de ça.

***

Quand j'étais petit, je n'étais pas grand.

Mon père était le premier enfant du deuxième lit d'une famille de dix-huit enfants, sans compter les enfants morts en couche ou en bas âge. Ils vivaient dans une petite maison de bois sans isolation dans le fin fond de la vallée de Matapédia, dans un village nommé Sayabec mais que mon père tenait mordicus à prononcer Sébec pour une raison qui m'échappe.

Évidemment, les Bouchard étaient pauvres. N'importe qui serait pauvre avec dix-huit enfants à nourrir.

Ce qui fait que mon père avait gardé certaines habitudes de cette période. Dont celle de tremper du pain dans un bol de mélasse.

Ou bien celle de se faire des beurrées de cassonade et margarine.

On en voulait tout le temps, vous savez bien. On voulait faire comme lui.

-'en veux moé 'ssi des beurrées d'castonade!

-Vous allez en awouère! Vous allez en awouère mes p'tits bonyeus!

Et là, Pa nous faisait des beurrées de cassonade.

C'était souvent après la piscine.

Plusieurs tranches de steak accompagnées de généreuses portions de frites allaient suivre un peu plus tard.

Pa et Mman étaient heureux de nous voir joufflus et en santé.

De fait, nous étions parmi les plus grands et les plus gros de l'école, moi et mes trois frères. Nous étions nourris au steak et aux beurrées de cassonade, à la bonne bouffe traditionnelle du terroir canadien-français métissé, toute cette nourriture assortie de chips, chocolats, friandises et liqueurs, dont le traditionnel choix entre la brune (Coke) ou la blanche (Sprite)...

***

Ouais, ouais... Que de souvenirs.

C'est le premier jour du Grand Prix de Trois-Rivières aujourd'hui.

Ça me laisse toujours un goût amer, le Grand Prix...

Vous savez bien pourquoi maintenant.

jeudi 13 août 2009

Technologies


Il m'arrive parfois d'être sidéré par le progrès technologique accompli au cours des cent dernières années. Les humains sont passés de la traction à boeufs à la traction intégrale à quatre roues motrices, avec la possibilité de prendre un raccourci vers le ciel ou les étoiles.

Les livres, si nombreux, si poussiéreux et qui étaient tellement inaccessibles dans certains cas sont maintenant disponibles d'un seul clic, en presque toutes les langues. En cinq minutes, devant l'ordinateur, nous avons accès à des millions de livres numérisés.

C'est pareil pour la musique ou les recettes de cuisine, la physique quantique ou le water-polo. Rien n'est laissé au hasard, sinon l'internaute lui-même qui peut passer des heures devant ces tas de pixels sans s'ennuyer devant la programmation régulière de la bonne vieille télé, devenue aussi vétuste en quelque sorte que d'écouter une partie de hockey à la radio quand on avait la télé dans les années '70.

Ces ordinateurs qui valaient de deux à trois milles dollars au début de l'an 2000 sont maintenant disponibles pour moins de dix dollars dans les ventes de garage et les marchés aux puces. Tenez, nous avons récemment acheté un ordinateur portable iBook de Apple pour une bouchée de pain. Ma blonde l'a nettoyé de tous ces déchets numériques et il fonctionne comme un neuf! C'est pratique comme tout et franchement on rentre dans notre argent.

Évidemment, un simple téléphone cellulaire de nos jours contient souvent plus de gigs qu'un vieil ordi ultraperformant des années 2000. On peut tenir dans sa main ce qui pesait avant le poids d'une poche de patates. Je peux tenir 1000 albums de musique dans la paume de ma main. Si ça ne vous étonne plus, moi ça me surprend encore.

On ne parle évidemment que des ordinateurs. Il ne faudrait pas oublier tous les autres progrès accomplis grâce aux possibilités créées par l'échange ultrarapide du savoir, en tous points du globe.

En médecine, c'est malade toutes ces recherches qui se sont menées. On a tout décodé et on s'est mis à cloner des brebis, des vaches et, peut-être, des humains. Il est question maintenant de cloner des organes internes, comme des foies, des reins ou des coeurs. On étudie les propriétés de la salamandre, un vertébré comme nous, qui possède la faculté de faire repousser un bras mutilé, avec ses doigts et tout son système nerveux compliqué. On va trouver le gène qui permet ça et on modifiera l'homme lui-même en lui foutant ce gène dans sa programmation interne. Du coup, nos bras repousseront d'eux-mêmes s'ils se font amputer...

Arthur C. Clarke était convaincu que l'homme atteindrait l'immortalité autour de 2030. Il se fiait sur l'évolution technologique des dernières années pour mesurer cela. Le temps a toujours été plus court d'une invention à l'autre. De la voiture à l'avion, de l'avion à la fusée, de la radio à la télévision, de la télé aux téléphones cellulaires qui se connectent sur l'Internet, etc.

D'où l'immortalité pour 2030.

Ce même auteur énonçait la loi suivante: « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. »

C'est pas fou.

J'ai parfois l'impression de vivre une vie qui tient de la science-fiction. Sauf que ce n'en est pas. C'est la vraie vie. Et ça va vite, trop vite.

Préparez-vous à vivre longtemps, sait-on jamais...

mercredi 12 août 2009

Il est impayable ce Pain!


C'est l'histoire d'un mec qui ne dit pas un sacré mot de français.

C'est donc l'histoire d'un Anglais. Bien qu'il soit plutôt un Canadien anglais.

Enfin! Il s'appelle Brod. Et comme personne ne parle anglais à l'Université du Kébek à Twois-Wivièwes, tout le monde l'appelle Pain parce que tout le monde pense qu'il s'appelle Bread.

-Hi! I'm Brod! se présente-t-il devant tout un chacun, en souriant à pleines gencives.

-Bread! Hostie! I' s'appelle Pain! Ha! Ha! Ha!

-Pas Bread! Dje me call Brod. Brod Watkins. La drrrose dloin du drrrosier se fane et flédrrrit!

-J'te comprends pas Pain. Ha! Ha! Ha!

Ce qui fait que Pain a de la difficulté à s'intégrer parmi les ivrognes du bar universitaire qu'il fréquente.

Pain se met donc à l'étude du français.

-Couci, couçaaa... Endchanté madyame... Dje vous en prrrie... Djeez! It hurts my throat that fuckin' French language!

Pour accélérer son apprentissage, il fait l'apprentissage de l'amour avec une Québécoise. Pain est venu s'installer au Québec parce qu'il fantasme sur Mitsou et s'imagine que toutes les Québécoises lui ressemblent, le vicelard.

Il est à peu près bien servi par Mathilde Laflamme, une fille qui n'est pas badré avec ça, si vous voyez ce que je veux dire, hé, hé.

Voilà donc que Pain entre son pénis dans le vagin de Mathilde et qu'il jouit.

Et, par politesse, Pain se charge de décharger en français, dans la langue de sa douce.

-Foutrrredieu! Dmon spermeu dcoule!!! qu'il dit en se souvenant du Marquis de Sade qu'il fallait lire dans un de ses cours en psychologie auquel il s'était inscrit pour le fun.

Cela fait un peu déphasé pour Mathilde d'entendre ça. Sur le coup, elle pouffe de rire. Ce qui contracte les muscles de ses parties intimes et étrangle puissamment le pauvre petit poulet qui s'y est engouffré.

-Foutrrredieu! Dmon spermeu dcoule!!! qu'il répète en hoquetant.

Franchement, il est impayable ce Pain, alias Bread, alias Brod Watkins!

mardi 11 août 2009

La vie n'est pas qu'un bouquet de roses


La vie n'est pas qu'un bouquet de roses. D'ailleurs, Agama n'aimait pas les roses. Seulement les acacias.

-Qu'est-cé ça les acacias? se demandent certains de mes lecteurs.

Alors là, vous m'étonnez. Vous n'avez qu'à taper «acacia» dans Google. Le premier imbécile venu sait faire ça. Donc, vous devriez avoir honte de me demander «qu'est-cé ça les acacias» ou bien qu'est-ce que la physique quantique.

Toutes les questions que vous pouvez vous poser trouveront une réponse, sinon plusieurs. Même si vous vous demandez si Dieu existe, vous en aurez pendant des heures à naviguer sur Google. Fuck! C'est clair qu'il y a réponse à tout. Et j'en vois qui sont encore là pour me demander «qu'est-cé ça les acacias»! En deux mil neuf hostie! «Qu'est-cé ça les acacias?»

Il n'y a plus de raison pour l'ignorance. Vous devez sûrement avoir un portable ou bien une vieille patate Pentium III à l'article de Namor. Sinon, les livres ne coûtent plus rien. C'est plus long pour trouver l'information, mais c'est mieux que de passer ses journées à regarder la télé. Et ça ne coûte rien. Zéro. Pas une hostie de token.

Donc, «qu'est-cé ça les acacias?», eh bien ça m'étonne des quelques-uns d'entre vous, chers lecteurs, mais je vous pardonne. Ça ne vient pas tout seul, l'instinct de tout connaître d'un seul clic.

Ce qui fait que les générations montantes s'emmerdent en classe ou bien au travail. Ils peuvent être crissement performants, je vous en torche un papier. Comme ils peuvent aussi être crissement nuls, comme tout le monde.

Ah! C'est que la vie n'est pas qu'un bouquet de roses. D'ailleurs, Agama n'aimait pas les roses. Juste les acacias.

Agama provenait de la côte ouest de l'Afrique. Sa peau était de la couleur du café, même si la métaphore est facile, je n'ai rien trouvé de mieux, même sur Google.

Agama n'aimait que les acacias.

Et chaque fois qu'elle en parlait à ses clients, au restaurant où elle travaillait, sur un quart de nuit, c'est bien rare qu'ils ne lui répondaient pas «qu'est-cé ça les acacias» sinon «sorry, I don't speak French».

Non, la vie n'est pas qu'un bouquet de roses.

lundi 10 août 2009

L'histoire d'un cendrier


Tchékhov pouvait écrire une nouvelle à partir de rien.

«Le jeune Tchéchov n'a-t-il pas dit un jour à Korolenko:

-Vous avez là, sur votre table, un cendrier. Voulez-vous qu'à l'instant j'invente un récit à son sujet?» *

C'est qu' «(un) génie a une telle richesse intérieure que n'importe quel thème, pensée, incident, objet peut provoquer en lui un flot intarissable d'associations d'idées.» **

L'histoire ne nous dit pas si Tchékhov a finalement écrit le récit de ce cendrier.

C'est donc qu'elle reste à écrire pour l'honneur des arts et des lettres.

Allons-y donc!


L'HISTOIRE D'UN CENDRIER

Il n'y avait rien dans ce cendrier. Pas de mégots. Pas de gommes. Ni d'arachides. Ce n'était qu'un gros cendrier de verre comme on en trouve un peu partout.

Ce n'était pourtant pas le cendrier de n'importe qui.

C'était celui de Ricky Rick, un bandit de peu d'envergure qui volait des bouteilles de shampoing dans les pharmacies et des cendriers dans les bars.

Et comme il avait volé ce cendrier, évidemment, ce n'était pas le sien.

Ce n'était pas le cendrier de n'importe qui, calice, c'était le cendrier du bar L'Arti-Show, le cendrier de Gonzo Lavergne, tabarnak, qu'il avait payé de sa propre poche dans un entrepôt de Québec spécialisé dans l'équipement de restauration. Ce n'est pas qu'ils valaient bien cher, ces gros cendriers bruns aux courbes simples.

-Hostie! disait Gonzo, j'me fais voler une vingtaine de cendriers par semaine! Achetez-en calice des cendriers! Ça coûte juste vingt-cinq cents!

C'était évidemment du temps où l'on pouvait fumer dans les bars, il y a fort longtemps.

Du temps où Ricky Rick, cet hostie d'trou d'cul, sévissait au centre-ville.

Une autre histoire de cendriers tournait autour de cet animal. Il paraît qu'il faisait passer du Old Dutch pour de la coke dans les bars. Pour faire saigner un peu du nez, il rajoutait de la poudre de verre qu'il obtenait en frottant deux cendriers de vitre translucide l'un contre l'autre.

On découvrit néanmoins son stratagème, d'autant plus facilement que sa poudre ne gelait pas du tout.

Et comme si ce n'était pas assez, voilà qu'il avait commis la double gaffe de voler un cendrier à Gonzo Lavergne après lui avoir vendu sa poudre de perlimpinpin qui récurait le nez et faisait saigner du nez.

-C'est lui qui m'vole mes cendriers, le tabarnak! Suzie l'a vu en train de voler un cendrier, hostie! Pis, en plus, faut que c't'hostie de crotte ambulante me r'file d'la poudre de vitre! Suzie l'a vu en train de fabriquer d'la poudre, l'hostie d'malade! M'en va's y régler son cas moé calice!

Suite à cela, on ne revit plus jamais Ricky Rick.

Certains petits brigands disparaissent dans le quartier sans jamais être retrouvés. Plusieurs prétendent qu'ils finissent dans le lit du fleuve avec des pantoufles en béton armé.

Je n'ai jamais pu le vérifier.

En attendant, j'ai acheté un petit cendrier au marché aux puces. Il est petit et brun.

Je ne sais pas ce que je vais faire avec puisque je ne fume pas.

Peut-être que je déposerai des arachides dedans.


______

Notes

* Paoustovski, La rose d'or, Gallimard, 1968, p.60

** Idem

À l'ouvrage!


Les vacances sont terminées...

J'ai des tas de projets devant moi, comme toujours.

Donc, retour à l'ouvrage!

dimanche 9 août 2009

À propos d'un simple brin d'herbe


L'interprétation que nous nous faisons du monde, avec les senseurs propres au mammifère que nous sommes, transcende-t-elle celle que pourrait s'en faire un simple brin d'herbe? Nous avons des yeux, des narines et toutes sortes de trucs tentaculaires pour nous faire une idée du monde. Et le brin d'herbe? Vous ne croyez pas qu'il pense lui aussi?

Ces questions sont ridicules. Je sais.

Mais elles m'obsèdent parfois, quand je constate que l'homme n'est pas aussi sensé qu'il ne le croie.

Ce qui veut aussi dire que la nature n'est pas l'idée bonne ou mauvaise que nous nous en faisons puisqu'il nous manque l'impression du brin d'herbe, vécue du dedans. On peut dire à quoi ressemble ce brin d'herbe, mais on ne peut pas dire ce qu'il pense. Ni ce que votre chien pense. Ni ce que vos amis méditent. Tout n'est qu'une pâle reproduction de la vraie pensée.

Et le mystère du brin d'herbe, lui, demeure entier.

***

Je récuse l'idée que les plantes ne pensent pas. Ce qui fait que j'ai cette vanité de conférer une âme aux brins d'herbe. Une vanité stupide qui me fend le coeur quand je vois des terrains de golf rasés de près. Comme si j'entendais chaque brin d'herbe crier à fendre l'âme.

Je souffre d'animisme, pas d'anémie: d'animisme! Un vieux fond anishnabé peut-être. Après tout, c'est là le hic. Ma pensée n'est pas conforme à la pensée ambiante. Respecter un brin d'herbe, ce n'est pas la norme.

Jamais il ne serait venu à l'idée d'un Indien de se tailler de beaux petits bosquets pour ornementer la devanture de son wigwam. Il laissait la nature telle qu'elle était, l'Indien, parce qu'il croyait justement qu'il y avait une âme dans les plantes et qu'il était inutile de les faire souffrir pour rien. L'Indien s'excusait de tuer un bison comme il s'excusait de fouler du pied une araignée ou bien un brin d'herbe.

Et on prétend que les Indiens étaient des sauvages...

samedi 8 août 2009

Constantin Paoustovski en aparté


Un bon auteur nous emmène toujours à une autre hauteur, sinon à un autre auteur.

Par exemple, Isaac Babel m'a fait découvrir Constantin Paoustovski.

D'abord, Paoustovski était camarade de classe de mon auteur russe préféré, Mikhaïl Boulgakov dont Le Maître et Marguerite résonnera longtemps dans ma mémoire.

Paoustovski semble avoir eu plus de chance que Boulgakov au plan de sa vie littéraire. Il a été publié sous Staline et n'a pas été fusillé, ce qui d'emblée le rend un peu suspect de «réalisme socialiste», cette esthétique grossière construite par des abrutis qui se suçaient la mousse du nombril et se laissaient guillotinés en remerciant leurs guillotineurs.

Sous Staline, on les appelait les «ingénieurs les âmes», ces artistes et écrivains qui devaient aussi fournir leur quota de bons sentiments envers la «Grande Idée» pour reprendre l'expression de Negovan Rajic, le plus grand écrivain que je connaisse à Trois-Rivières, avec Maurice Fournier, Rob Bob et moi-même, votre humble serviteur. Ajoutez mon frère aîné et l'équipe est complète. S'il y en a d'autres, anyway, je ne les connais pas tous.

Il n'y a donc pas beaucoup d'écrivains à Trois-Rivières.

Des poètes, bien sûr, il y en a des tas. On en produit presqu'autant que des «ingénieurs de l'âme» dans la capitale internationale de la poésie, titre ronflant dont s'enorgueillit Trois-Rivières. Tout ça parce qu'une poignée d'organisateurs communautaires ont reçu une subvention pour inviter les poètes officiels de telle ou telle ambassade, rencontrés dans des salons du livre ou des studios de massage. Que de bureaucrasserie ridicule pour chanter des vers... Il y a trop de formulaires à remplir pour que la poésie soit vraiment au rendez-vous.

Des poètes? Il n'y a que des poètes à Trois-Rivières. Le monde entier le sait. Mais des écrivains! Oh pardon! Il faut chercher longtemps. Et quand on les trouve on se demande ce qu'ils peuvent bien ficher dans ce trou pourri de province, sinon que de se tenir à l'écart de toutes ces drôleries même pas drôles.

Revenons à Paoustovski. J'ai tout de même trouvé un de ses livres traduits en français à la bibliothèque. Ça s'intitule La rose d'or où Paoustovski réunit des notes, voire des nouvelles sur l'art d'écrire. C'est traduit par Lydia Delt et Paule Martin et publié chez Gallimard en 1968, l'année de son décès.

On a failli lui donner le prix Nobel de littérature en 1965. Cependant son gouvernement soviétique aurait manigancé pour que ce soit plutôt Cholokov qui l'emporte, un écrivain plus favorable au régime.

Je n'ai pas réussi encore à lire le Don Paisible de Cholokov et je salive à l'idée de lire Histoire d'une vie de Paoustovski parce que La rose d'or me laisse entrevoir un grand conteur, la plus grande des vertus de l'écrivain. Autrement, ça ne vaut pas la peine.

Une histoire mal racontée me fait le même effet que de lire des statistiques. Il y a de l'information, ça et là, mais celui qui me la livre est nul à chier. D'où l'importance de lire de bons auteurs pour avoir l'envie de lire. Tu te tapes dix navets de suite et tu finis par croire que la littérature ce n'est pas ton affaire. Tout comme je me dis que la poésie n'est pas mon affaire après m'être tapé mille trois cent trois navets poétiques de suite dans mon adolescence. À part Rimbaud, Corbière et Prévert, un peu de Baudelaire ici et là, un zeste de Claude Gauvreau, je ne connais rien à la poésie. Je la préfère avec paroles et musique. Il y a plus de poésie dans une chanson des Doors que dans trois cents recueils publiés par telle ou telle maison de têteux de subventions.

Malheureusement pour moi, j'ai lu beaucoup de chefs d'oeuvre. J'ai la piqûre pour la littérature et je cherche encore de grands éblouissements. Et le pire, c'est que j'en trouve encore et encore, des bons auteurs, dans tout ce fouillis de textes imprimés pour nous ennuyer ferme.

Dont ce fameux Constantin Paoustovski, une gracieuseté de Isaac Babel qui me l'a fait connaître. Paoustovski m'en fera connaître d'autres. Et d'autres m'emmèneront vers d'autres. Toujours plus loin que ces foutues plaquettes de poésie nulles à chier que l'on placarde sur tous les murs du centre-ville de Trois-Rivières pour se croire poète parce que l'on reçoit des subsides du régime pour jouer aux «ingénieurs de l'âme» qui s'ignorent avec leurs vers soporifiques et leur enflure patriotarde de Borat de fin fond du dernier rang.

«Celui qui n'a pas ajouté à la vision de l'homme, ne serait-ce qu'un peu d'acuité, n'est pas un écrivain.»

C'est à la page 26 de mon exemplaire de La rose d'or de Paoustovski.

Et Paous, je l'appelle déjà par son petit nom, Paous m'emmène vers Edouard Douwes Dekker, un écrivain hollandais qui a presqu'été vice-roi et qui est tombé en disgrâce pour avoir osé dénoncer son propre gouvernement dans les mauvais traitements qu'il faisait subir aux indigènes de Java. Après l'indépendance de l'Indonésie, Dekker a même adopté un nom javanais, Danoedirdja Setiaboeddhi, ce qui devait être un peu compliqué à prononcer pour sa famille et ses amis qui l'avaient toujours appelé Ed ou bien Doudou.

Bon, eh bien je retourne dans mes livres.

Pardonnez-moi cet aparté.



Autres liens:

Constantin Paoustovski: oeuvres originales en russe.

Pis ça.

Et tiens, un chef d'oeuvre. Le manteau de Gogol. («Nous sommes tous sortis du manteau de Gogol» disait un écrivain russe qui s'est échappé de ma mémoire. Était-ce Dostoïevski? Tchékov? Boulgakov? Vladislav Trétiak? Hum...)

vendredi 7 août 2009

Élagage


J'ai relu sans plaisir La route de Los Angeles de John Fante, un auteur surestimé, faussement perçu comme un précurseur des beatniks, eux-mêmes surestimés.

La route de Los Angeles est dans le ton de l'époque où le roman a été écrit. C'est l'histoire d'un artiste raté, Arturo Bandini, un gus qui joue au surhomme mais qui n'en demeure pas moins un artiste raté et un homme tout ce qu'il y a de plus larvaire.

J'ai rapidement décroché de cette lecture. Les atermoiements m'emmerdent. Et le moimoiement aussi. Trop de moi et il n'y a plus de place pour le lecteur. Moi, moi, moi comme si l'auteur se branlait en pensant à lui-même. Ça finit par devenir indécent ce type d'onanisme trop fréquent en littérature chez les jeunes auteurs. Bien sûr, ce livre écrit en 1933 n'a finalement été publié qu'en 1986. Franchement, il aurait été publié en 2086 que ça ne m'aurait pas fait pleurer.

J'ai profité de cette lecture ennuyante pour procéder à un élagage de ma bibliothèque. Je n'ai gardé que les classiques, les auteurs que mon coeur chérit ou bien qui pourraient m'être utiles. On ne sait pas quand on pourrait avoir besoin d'un siphon de toilette et l'on en tient un dans l'hypothèse où la chiotte déborderait. C'est pareil pour certains auteurs. Je me suis gardé Madame Bovary, au cas où je devrais me claquer cette vieille histoire du temps où les gens allaient se baigner en complet trois pièces et chapeau de paille pour attraper la siphylis. Le temps est passé vite et de nos jours les gens courent nus sur les plages en se donnant des coups d'organes génitaux sans que cela n'émeuve personne.

Aristote a résisté à mon élagage. Il s'en est fallu de peu. Sa notoriété l'a plus aidé que sa plume qui m'endort. C'est pareil pour Platon, Spinoza et Descartes. Je ne suis pas prêt de les relire. Et je les garde par prudence intellectuelle ou par snobisme, pour dire aux uns et aux autres que j'ai lu ces livres soporifiques.

Les fous de bassan de Anne Hébert est allé vers l'élagage ainsi qu'une bonne flopée de romans à deux sous, les Menaud, maître draveur et autres trésors de la petite prose québécoise ont été expulsés manu militari de ma bibliothèque. Rien à foutre. Trop plate à lire.

J'ai gardé Noeud de vipère de François Mauriac mais je me suis départi de tous ses autres romans. Je n'ai jamais été capable de lire plus qu'une page de Mauriac - peut-être qu'un paragraphe. Ennuyant, c'est le seul mot qui me vienne à l'esprit. Je garde Noeud de vipère pour me rappeler un jour que j'avais tort. Je doute cependant qu'il survive à mon élagage l'an prochain.

Je me suis aussi débarrassé de trois ou quatre Maurice Barrès: ennuyant, trop de plus-que-parfait du subjonctif, nationalisme crétin et propos de quelqu'un qui devrait boire un bon litre de jus de plote avant d'écrire.

J'ai retrouvé mon exemplaire de Tropique du capricorne de Henry Miller. Je vais le relire sous peu pour voir si je vieillis aussi bien que mes belles lectures d'antan. J'ai ma collection des romans de Marcel Aymé. Mes Jack London adorés. Mes Zinoviev. Mes André Maurois. Oua! J'ai beaucoup trop de livres et je ne suis pas pour vous dresser une liste exhaustive de tout ce que je garderai sur mes étagères.

J'ai conservé la crème de la crème.

Ça, j'en suis sûr.

Ou presque.

jeudi 6 août 2009

Michel Cerveau, un homme bien


Michel Cerveau était concierge aux Halles de la Cité, un centre d'achats où l'on trouvait de tout sauf du silence et de la béatitude.

On y trouvait des tas de commerces et de publicités clinquantes sur écran plat.

On y trouvait aussi de la poussière et toutes sortes de détritus, sans compter ces hordes de je-regarde-et-je-n'achète-rien qui venaient paisiblement finir leurs jours dans ce décor de stucco.

Michel Cerveau nettoyait tout de A à Z. De Animalerie Bubu à Zorba restaurant grec. Tous les deux cent trois commerces.

Et il en avait marre, marre, marre.

-Faut que j'me pousse! J'm'en va's dev'nir fou moé-là!

Michel Cerveau n'était pas encore fou. Pas du tout. Il était encore tout à son ouvrage. Et de rage il travaillait en hurlant des insanités propres à de vieilles liturgies précambriennes: hostie, tabernacle, christ, bouddha, patof, rantaplan, vraiment tout passait dans sa bouche.

-Maudit calice de tabarnak de job sale de saint-sacrement d'ciboire que j't'la crisserais là c'te saint-chrême de job de cul de marde de saint-sacré-coeur qui m'fend l'cul du saint-stanislas d'hostie!

Michel Cerveau sortait tout ça sans pour autant réduire la qualité de ses services. Il passait la serpillière comme un pro, tout en sacrant, et il lisait aussi les oeuvres complètes de Pouchkine en version originale russe. Il portait bien son nom, Michel Cerveau, puisqu'il parlait deux langues, le joual et le russe.

Michel Cerveau, franchement, c'était un homme bien.

Et si j'en parle à l'imparfait, vous aurez compris que c'est parce que rien n'est parfait en ce bas monde.

mardi 4 août 2009

Jumbo Gariépy


Il est des moments dans la vie où deux oeufs sunny side up ça te requinque un homme.

Ce qui fait que Jumbo Gariépy s'est fait cuire deux oeufs puis il a ensuite engouffré quelques cérales, contenants de yogourt, barres de fromage pour couronner le tout de quelques cerises qui sont si bonnes en cette saison.

Puis Jumbo Gariépy a roté le plus fort qu'il pouvait. Et il a roté encore.

Le soleil luisait sur sa lippe graisseuse de gourmand repus.

-Ouin ben j'cré ben que j'm'en va's r'garder 'a tévé moé-là.

Jumbo Gariépy n'était pas gros du tout. Il pesait cent cinquante-deux livres tout au plus et il avait deux yeux de couleur différente, comme ça n'arrive pas tous les jours. L'un était bleu et l'autre peut-être vert ou brun.

Jumbo, c'était son prénom légal. Comme quoi la vie n'est pas que des farces grosses comme le bras. Elle est aussi exaltante qu'une bonne émission de télévision.

Etc.


C'est une chance que je n'aie jamais publié un livre jusqu'à ce jour. J'aurai certainement cette malchance de publier un jour ou l'autre. On s'intéresse à ma vilaine prose. Je ne vous dirai pas qui. Ni quand. Cela dit, je ne suis pas pressé. L'essentiel, c'est que la sève coule encore et encore, tous les jours que le bon vent amène.

Voilà les histoires de Kowa, de Gilles le gorille, de Planète puis de combien d'autres sorties des bas-fonds de la vie, là où à peu près tout le monde se tient, ce qui ne fait pas de moi le marginal que l'on croie. Tout le monde est dans la marge. Même les riches attrapent la grippe et parfois en meurent. La vie? Une salle d'attente pour tout le monde où chacun attend Dieu sait quoi, Dieu sait qui. On verra dans le temps comme dans le temps. Pour le moment, la roue de Cronos tourne et je suis heureux de n'avoir jamais rien publié.

Mes auteurs préférés ont écrits leurs meilleurs livres dans la quarantaine, l'âge où je me situe en ce moment. Le meilleur est devant moi que je me dis. J'ai plein d'histoires à vous raconter. Advienne que pourrira. Merci de me lire, vous tous et vous toutes. Je ne vous connais pas et ce n'est pas de mes affaires de savoir si vous vous promenez tout nu avec un siphon sur la tête.

En route pour de nouvelles aventures! Il y a beaucoup de jus dans la boîte crânienne et je ne manquerai pas de crâner au passage. Mon je s'effacera aussi souvent que possible pour embellir cette vie de beaux personnages qui me transcendent à défaut de m'émouvoir. Vous allez rire et pleurer, je vous en torche un papier, parce qu'un artiste n'est raté que lorsqu'il ne sait pas provoquer l'une ou l'autre de ces formes d'expression qui se rejoignent dans une magnifique coïncidence des opposés, quand on rit aux larmes, à s'en battre les cuisses comme de vulgaires ivrognes grognant toute leur joie.

J'essaierai, autant que faire se peut, de trouver le mot juste et d'utiliser avec parcimonie les adverbes et les adjectifs. J'écrirai au son quand je serai fatigué ou bien pour faire plus vrai. Pour le reste, j'inventerai, comme d'habitude.

Mon premier livre devrait s'intituler «Le charbon, analyse sociocritique».

Etc.

lundi 3 août 2009

La vraie légende de Joey Bilboquet


Jonas Bilodeau est surnommé Joey Bilboquet.

Joue-t-il au bilboquet? Pas du tout.

J'ai demandé à tout le monde autour de lui de m'expliquer pourquoi le surnomme-t-on Joey Bilboquet. Pas moyen de le savoir. C'est un silence de glace qui suit chaque fois que j'ose poser la question.

Ce qui fait que j'ai posé la question au principal intéressé, Jonas Bilodeau alias Joey Bilboquet, un type qui ne fait pas trois cents livres ni même cent. Je dirais qu'il pèse quatre-vingt-huit livres tout trempé.

Et je n'exagère pas.

Bilboquet doit bien avoir dans la quarantaine avancée. Il est chauve et louche un peu. Il zézaye. Et il sent l'ail. Célibataire, il boit beaucoup de bière. Il sort ses poubelles une fois par mois parce qu'il oublie de les sortir les trois quarts du temps. On ne lui connaît pas de copine ni d'amant. Sa sexualité n'intéresse personne. Il est balayeur de rue.

-Pourquoi qu'ils te surnomment tous Joey Bilboquet? que je lui ai demandé tandis qu'il balayait la rue.

-J'sais pas qu'il m'a répondu.

Pourtant, Bilodeau portait son surnom sur son t-shirt. C'était écrit vert sur jaune: Joey Bilboquet. Club de dards du bar Les Bons Copains.

Et pas moyen d'en savoir plus.

Je ne vais tout de même pas m'acharner.

Nonma portait un grand chapeau de paille


Il était une fois une femme qui portait un grand chapeau de paille. Elle vivait dans un logement un peu cher mais mal chauffé. Elle devait avoir trente-six ans et demi, les cheveux bruns, les yeux ordinaires.

Elle s'appelait Manon et tout le monde l'appelait Nonma.

Le pire de ses ennemis l'appelait marde-molle mais ce sacré Steeve Martinez disait ça pour tout le monde, homme ou femme, et il détestait Nonma parce qu'elle lui avait rentré une fourchette dans l'oeil et rendu à moitié cinglé. Il est vrai que Martinez voulait saisir le tiroir-caisse du restaurant où travaille Nonma. Et que Nonma était une fille nerveuse. Au lieu de donner l'argent elle lui plongea donc une fourchette dans l'oeil.

-T'auras pas l'argent mon hostie d'loser! Va chier tabarnak! lança Nonma tout en piquant l'oeil de Martinez.

-Marde-molle! hurla-t-il.

Manon l'acheva à grands coups de poêlon. Et comme il était en fonte, le poêlon, elle faillit bien tuer Martinez.

-M'a t'en faire d'la marde molle mon hostie d'crosseur! qu'elle laissa entendre en lui assénant quelques coups résonnants de poêlon fumant.

Il s'en réchappa avec un traumatisme crânien permanent et un oeil en moins.

-Ma'de-molle! disait-il tout le temps, pour oui ou pour un rien. Ma'de molle parce qu'il ne pouvait plus prononcer les R convenablement. Le poêlon de fonte, ça vous déplace le vocabulaire.

À part de ça, Manon alias Nonma portait un grand chapeau de paille. Sauf au restaurant où elle n'avait pas le droit de le porter.

Le grand orme de Nestor Delorme


Cela faisait trois mois que Nestor Delorme contemplait l'orme qui poussait dans sa cour. C'était un vieil orme d'une soixantaine d'années avec tout plein de feuilles. Et Nestor Delorme, qui était petit et qui travaillait comme tout le monde, le contemplait dans chacun de ses temps libres, de sorte que ses voisins laissaient entendre qu'il pognait le fixe. Mais non! Il ne faisait que contempler son orme en se posant des questions importantes.

-Combien y'a-t-il de feuilles dans un orme? se disait-il souvent en lui-même et croyez-moi c'était pour lui la question la plus importante qui soit.

Un beau matin où le soleil ne se cachait pas derrière un nuage de smog, voilà que Nestor n'en peut plus. Il percera enfin le mystère.

Il va chercher la scie mécanique dans son hangar et, bien entendu, il s'en va débiter son orme au grand étonnement de ses voisins. Puis une fois l'arbre bien étendu, il compte toutes les feuilles, une à une puis finalement se met à pleurer au milieu de la nuit.

Tout ça pour dire que des fous, franchement, il y en a partout.

Pas vrai?