samedi 24 janvier 2009

Mon Jésus à moi



J'ai peine à m'imaginer un chrétien qui se rase la barbe et se coupe les cheveux.

Je ne m'imagine pas Jésus avec un portable, un attaché-case et un regard de vautour du marché immobilier qui voudrait vendre Jérusalem au moins offrant.

Mon Jésus à moi me fait penser au fameux retable d'Issenheim peint par Grünewald, admirablement décrit par le romancier naturaliste Joris-Karl Huysmans dans Là-bas. Ce n'est pas le christ blondinet et légèrement efféminé de l'imagerie catholique. Mais le Jésus humain, qui souffre, qui saigne et qui meurt. Je ne remercierai jamais assez feu mon prof de philo, Alexis Klimov, chrétien de tradition orthodoxe, de m'avoir fait connaître ce Jésus-là. Un Jésus qui n'est pas juste du toc.

Je sais bien que le christianisme n'est pas qu'un phénomène de mode. Mais le complet-veston-cravate me semble l'habit le plus éloigné qui soit de ce pauvre Jésus, que j'ai la manie de me représenter sous les traits d'un prophète barbu, pauvrement vêtu, qui se promène parmi la foule en empêchant les salauds de lapider une prostituée ou bien en chassant les vendeurs du Temple. Tout le reste, ses tours de magie et ses super-pouvoirs je laisse ça aux amateurs de science-fiction et autres moribonds intellectuels. Mon Jésus à moi est humain, très humain. Et il est seul, très seul.

Mon Jésus à moi n'est pas tant le fils de Dieu qu'un militant des droits de la personne avant la lettre. Un type qui ne s'en laisse pas imposer par une poignée de vieillards séniles qui décident de ce qu'est la loi alors qu'une loi encore plus grande, indéfinissable, nous guide par-delà les contingences terrestres pour nous inciter à de bonnes actions, bref à de la charité les uns envers les autres. Jésus qui tend l'autre joue au lieu de ne s'en tenir qu'à la vieille rengaine: oeil pour oeil, dent pour dent. Jésus qui s'interpose entre les agresseurs et leurs victimes. Jésus qui donne du vin et du pain à satiété.

Mon Jésus à moi affirme que nul ne doit servir deux maîtres, Dieu ou l'Argent, et que son royaume n'est pas de ce monde. Il m'a tout l'air d'être en faveur de la séparation de l'Église et de l'État. Il ne porte pas le glaive. Il discute avec la lie de la société aussi bien qu'avec les centurions romains. Au lieu de prier, le jour du sabbat, il va aider Untel ou Unetelle. Ce qui fait croasser les vieux prêtres. Et Jésus leur répond du tac au tac que s'ils perdaient une brebis le jour du sabbat, ils iraient la retrouver.

Ouais, mon Jésus à moi est un contestataire. Et il n'a pas fini sa vie comblé d'éloges, mais recouvert de coups de coups de fouet et d'immondices. Tout ce que la société peut offrir à celui qui estime qu'un jour les derniers seront les premiers; qu'il est plus facile à un chameau d'entrer par le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer au paradis.

Mon Jésus à moi n'a rien à voir avec ses pseudo-chrétiens déguisés en marchands d'assurance. Il n'a rien à voir avec ces bigots qui égrènent des chapelets et dénigrent les prostituées, les autres races, les drogués, les homos, les Anglos et tous ceux qui n'égrènent pas comme eux des chapelets. Ces gens-là ne sont pas des chrétiens mais simplement des crétins, des faussaires, bref des bigots.

Mon Jésus à moi est crucifié entre deux voleurs. Il ne tient pas un chèque entre deux responsables d'oeuvres de charité qui se donnent de petits airs pour mieux engranger le foin afin de mieux satisfaire leurs besoins personnels.

La charité, voyez-vous, ne commence jamais par soi-même. Elle commence quand soi-même passe au second plan. Si la charité ne coûte rien, ce n'est pas de la charité.

Des trois vertus théologales, la Foi, l'Espérance et la Charité, c'est la Charité qui est la plus importante. Parce que la Foi n'est rien sans la Charité.

Et mon Jésus à moi est un don total de soi, que je me dis.

C'est pas une couille molle.

C'est pas un bigot.

***

Comme le disait Nietzsche, Jésus était le destructeur des gardiens de la morale.

Et comme il ajoutait aussi, dans L'Antéchrist, il n'y eut qu'un seul chrétien et il est mort sur la croix.

3 commentaires:

  1. je suis assez d'accord. mais il faut aimer les gens au point de se donner en pature à des brebis anthropophages. et ça...
    le pire, c'est que ça fait rigoler des gens. ça fout la trouille.

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  2. Pour moi c'est le premier rewilder mondialement connu:
    -Voyez les oiseaux de la terre il ne sême ni ne moisonne. (traduction: arrêter de vous faire chier à dévaster la terre avec l'agriculture et redevenez donc des cueilleurs-chasseurs).

    -Voyez les lys des champs il ne fil ni ne tisse et votre pêre céleste ne les revêtit-ilpas des plus beau habit. (traduction: redevenez donc des cueilleurs-chasseurs et faites confiance à Notre Mêre la Terre elle pourvoira à vos besoins.)

    -etc...

    Olibamkanni!

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  3. un don total de soi. nietzsche a beau dire, mère thérésa aussi devait être une chrétienne, ou quelqu'un d'autre, mort pour quelqu'un d'autre. ça s'arrête ou la charité ? à la mort ? on donne jusqu'à quelle limite ? si y'en a pas, qu'est ce que je fais encore là ?

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