vendredi 30 janvier 2009

À LA SOUPE POPULAIRE DU COUVENT DES SOEURS VERTES


Le couvent des Soeurs Vertes est situé dans la Haute-Ville, aux portes du Vieux-Québec. Tous les jours, des tas de pauvres montent les trois cents marches de l'escalier qui relie la Basse-Ville jusqu'à ce couvent pour y bénéficier d'un repas gratuit préparé pour eux. Il y a toujours un plat principal accompagné d'une soupe, d'un pain et d'un dessert. La qualité de la nourriture est passable. Ça manque parfois de sel mais il y en a sur les tables.

Tout le monde joue du coude dans la salle d'attente, entre onze heures et onze heures et demie, au rez-de-chaussée du couvent des Soeurs Verte. L'ambiance est survoltée dans l'attente du repas. Il y en a qui n'ont pas mangé depuis trois jours et ils vous dévoreraient tout cru. Leurs yeux sont injectés de faim.

Il faut avoir fait la file un jour dans une soupe populaire pour goûter toute la laideur de cet acte de contrition nutritionnelle. Ce n'est pas parce que l'on se trouve parmi les pauvres que tout baigne dans la poésie, la générosité et la solidarité.

-Tasse-toé don'! C'est moé qui était là avant toé mon hostie! hurle un vieux freak muni d'une casquette Harley Davidson élimé.

-Tabarnak! T'as menti! lui répond un jeune édenté au regard brouillé.

Et ça se bouscule. Et ça recommence.

-M'as t'arracher 'a tête toé mon hostie!

-Mange d'la marde crisse de cave!

Jusqu'à ce que la soeur entre dans la salle où attendent ces malheureux pour réciter la prière. Elle a les cheveux gris, bien sûr, et des lunettes de type Buddy Holly.

-Mon père... blablabla, et je ne sais plus trop ce qu'elle raconte. Le pain quotidien et le pardon de nos péchés. Amen.

Deux ou trois types rotent. Certains disent amen. La plupart s'en moque. C'est écrit repas gratuit dans leur ventre et ça leur suffit amplement. S'il n'y avait pas de repas gratuit, croyez-moi, ce serait la guerre civile. Ces types-là ont tous l'air d'avoir fait du temps en prison. Hormis les schizophrènes, les paumés, les pauvres ordinaires... Hum.

La prière est à peine terminée que ça remue dans l'enclos. Le cow-boy bedonnant qui tient l'entrée ferme les yeux sur ceux qui poussent les autres pour les devancer dans la file. Le bétail a faim et l'on ne va pas se mettre à contrôler les bêtes de l'autre côté de l'enclos. Il ne s'occupe que d'un seul côté, le cow-boy Bedondaine, et c'est celui qui mène vers la cafétéria. Pas plus que cinq têtes à la fois. Et les cinq têtes doivent rester bien sages, à leur rang. Puisqu'un autre cow-boy les surveille, un peu plus loin. Un colosse avec une large balafre sous l'oeil qui tête un cure-dent. L'air du gars qui va te crucifier dans le mur si tu fais trop ton clown.

Il n'y a que cinquante places à l'intérieur. D'où l'idée d'y aller par groupe de cinq. C'est la manière efficace de procéder.

Une fois tout ce beau monde repus, les Soeurs Vertes, les bénévoles, les condamnés aux travaux compensatoires et les autres employés ramassent et nettoient tout.

Et le pauvre, bien rempli, s'en va au grand air vivre d'autres aventures dans la plus belle des grandes villes d'Amérique du Nord, Québec, oui monsieur, Québec.

4 commentaires:

  1. Heille mon amii,

    Tu donnes un bon coup d'envoi pour le Carnaval, il commence aujourd'hui!

    Tour-lutte-toutou!

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  2. C'est vrai qu'il y a un mythe voulant que parmi les pauvres c'est l'entraide, la charité et l'amour infini...

    J'ai tâté un peu de la pauvreté pour comprendre que c'est loin d'être toujours le cas.

    L'homme dans la misère devient souvent bête et cruel.

    Il est vrai que la connerie est répartie assez également parmi toutes les classes sociales, sauf que les frustrations sont plus dures à accepter dans les conditions de la pauvreté.

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  3. pas forcément. c'est comme le type qui dit : "tiens, c'est la faute à machin", et qui se retrouve avec un cigare dans le cul, et un briquet bic dans la bouche. (à mon humble avis)
    celà n'engage que jah.
    trankille, non ? youpla les contorsions.
    le truc, ce serait d'arriver à s'en branler, comme bouddha, mais spirituellement. sans la bite.

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  4. je crois que les types bien à retenir du siècle passé, c'était gandhi, jean jaurès, brassens, lennon, johnny cash et primo levi, perso... mébon. j'aime bien bukowski aussi (comme félicie)
    http://www.decitre.fr/gi/52/9782842054052FS.gif
    "mon gros ventre blanc collé contre le ventilateur"

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