samedi 28 juin 2008

L'EXPOSITION AGRICOLE DE TWOIS-WIVIÈWES

L'Exposition agricole de Trois-Rivières en est à sa 103e année. Elle se tient en ce moment même et, franchement, je ne compte pas y aller. Depuis que le cirque et les éléphants n'y sont plus l'événement a perdu tout son charme. Il ne reste que de la ferraille et de la malbouffe, quelques exhibitions de vaches et de moutons, pas de quoi me rappeler la féérie d'antan. J'ai peut-être perdu mon coeur d'enfant, direz-vous, et je dirais que c'est tout le contraire. J'étais beaucoup moins enfant quand j'étais jeune que je ne le suis maintenant.

Je me foutais bien des fleurs, des couleurs et de la beauté quand j'avais quinze ans. Je me préoccupais plutôt de nourrir une sourde révolte contre tout ce qui représentait une figure d'autorité et une apparence de loi pour laquelle je n'avais jamais voté.

C'était en 1983, une année où il ne s'est rien passé dans le monde. Bien sûr, ceux qui ne comprennent pas les effets littéraires vont me rappeler mille et une anecdotes à propos du Nicaragua ou de la Commission Kissinger et, franchement, je ne m'en rappelle pas. En 1983, il ne s'est rien passé, parce que Céline a chanté Une Colombe qu'en 1984, l'année même où Bruce Springsteen chantait Born in the USA. Ça, c'était de l'année solide, 1984. Mais 1983? Du vent. Rien. Nada.

Alors, tant qu'à ne rien faire, je passais mes temps libres à faire des mauvais coups avec mes copains de l'époque: le Bief, Ti-Kasse, mon frère Ti-Mic, le Verbe, Turcotte, pour ne nommer que ceux-là. Pour l'Expo de 1983, nous étions sans doute un peu cassé puisque l'idée nous vint de sauter par-dessus la clôture pour profiter d'une nouveauté: le prix unique à l'entrée pour avoir accès à tout le site et à tous les manèges.

Revivons ces événements à l'indicatif présent, pour créer un autre effet littéraire tiens.

Il vient de pleuvoir. Nous souhaitons sauter par-dessus la clôture de fer forgé situé devant l'Hippodrome, sur le boulevard des Forges. Nous nous rendons de ce côté-là pour être hors de portée des agents de sécurité et de leurs bergers allemands féroces.

Le Bief saute, puis mon frère, Ti-Kasse, etc. Il ne reste que moi qui est un peu plus maladroit et beaucoup plus lourd pour ce tour de passe-passe. Je m'agrippe, je grimpe, puis mon pied glisse. Je me reprends. Je glisse encore. Les barreaux sont trempés et mes espadrilles ne trouvent pas d'appui. Je glisse encore. Je crois m'être éraflé mais finis tout de même par passer par-dessus la clôture, par orgueil.

C'est fait. Je suis entré gratuitement sur le terrain de l'Expo! Il ne me reste plus qu'à courir avec les autres. Les chiens ont détecté notre présence. On les entend japper au loin. On court à toutes jambes jusqu'à ce que l'on se perde dans la foule.

Je suis fier comme un paon. J'ai sauvé de l'argent. Je peux prendre les manèges autant de fois que je veux sans payer.

Jusqu'à ce que mon frère me montre du doigt deux grosses taches de sang sur mon tee-shirt blanc...

Tabarnak! Je me suis rentré des barres de fer dans le ventre. J'ai deux trous dans le bedon. Le sang s'est coagulé et ça fait mal quand je ris. Du coup, je ne m'amuse plus et constate avec amertume que le crime ne paie pas.

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