lundi 9 juin 2008

DANS LA PLUIE DU PETIT MATIN

Dans la pluie du petit matin, je n'ai que des souvenirs à remuer.

J'ai vécu sans appareil-photo au temps où je vivais hors du temps, dans l'impatience et l'insouciance de la jeunesse, parmi les plus beaux paysages que j'aie vus au cours de ma vie jusqu'à ce jour. Des souvenirs se sont gravés dans ma mémoire avec d'autant plus de force que c'est tout ce qu'il me reste en back-up, pour employer une expression propre au vocabulaire informatique.

Je n'ai que ça en back-up, des souvenirs. C'est de la bonne matière première, d'autant plus que je puis encore les faire revivre par le biais de la littérature ou de l'illustration. Ma main ne tremble pas trop. Il m'est encore possible de les extraire de la mémoire avant que mon âme ne s'envole comme un petit oiseau au pays des sceptiques. Dieu, faites que je sois parmi ceux qui doutent. Je ne supporterais pas de vivre toute une éternité parmi ceux qui se contentent de croire sans s'agiter les méninges, sans sourciller, sans remettre en question, sans rien du tout, comme si la switch était à off. C'est ma vision des choses. Chacun son paradis. Le mien est pavé de questions sans réponses, de laïcité ouverte et de musiques douces pour l'âme.

Pour ce qui est de mes souvenirs, je me demande toujours s'il n'est pas trop tôt pour les coucher sur une toile ou bien sur un clavier. Je ne me le demanderai pas longtemps, tiens, je vais commencer le téléchargement...

D'abord, le Yukon. C'est le nec plus ultra des paysages qui me reviennent à la mémoire. Lecteur assidu de Jack London dans mon enfance, j'ai senti l'appel de la forêt et je me suis rendu au Klondike, dans l'espoir d'y trouver quelque chose qui ressemblerait à une ruée vers l'or. L'or du Yukon, en fait, c'est le lieu en lui-même et les perceptions sensorielles naturellement hallucinées par le soleil qui ne se couche jamais, comme si l'on y vivait vraiment hors du temps. C'était donc l'endroit idéal pour retrouver mes racines littéraires tout autant que le goût naturel pour l'aventure.

Les canyons, le temps chaud et sec, les bouleaux frêles et les épinettes, les takus, ces drôles d'oiseaux du Yukon, et l'art des Haidas et des Tinglits, c'était vraiment le paradis. Pour gagner ma vie je faisais deux ou trois petits boulots. L'argent rentrait facilement, sans me casser le cul. Je trouvais plein de moyens pour réduire mes coûts. Je pouvais facilement troquer des services. Mon accent français m'ouvrait toutes les portes. En plus des paysages à couper le souffle, je me sentais au beau milieu d'un rêve, trop beau pour être vrai, comme si j'étais à la retraite et que j'avais quatre-vingt-quinze ans.

Je suis parti, par goût du risque, parce que je me sentais trop bien au Yukon. Je suis aussi parti par nostalgie de mes parents et amis, mais ça fait trop sentimental de raconter ça. Alors, disons que je n'ai rien écrit.

C'est ça le problème avec un back-up, on ne sait jamais ce qu'on a enregistré. Les titres sont souvent accessoires. J'enregistre des trucs sous fardadets.doc, j'ouvre le document et -hop!- me voilà dans un roman existentialiste dont l'action se passe au Yukon.

Je devrai donc y revenir un jour. Un projet littéraire en suspens dont je ne livre ici que quelques lignes, pour allécher les éditeurs, ces tabarnaks, qui te promettent une publication pour 2012, comme si l'Internet n'existait pas.

On dirait qu'ils font dans la calligraphie, pas dans l'édition, st-sacrement! Je vais donc devoir publier ce roman tout à fait gratuitement, comme si j'avais les moyens de Radiohead.

Il faut ce qu'il faut.

S'il y a des éditeurs impatients, qu'ils m'appellent. De la prose ou de la poésie, pas de problèmes, je peux en produire à la pelle, et de la bonne en plus, pas piquée des vers ou bien en vers tricotés serrés, j'ai tout ce qu'il faut dans ma boutique. J'ai une grande gueule, en plus, et je pète une coche lors des entrevues. Tout ce qu'il faut pour vendre des livres, même s'ils étaient poches. Des formats poches, c'est hot. Ça vend en calice. Etc.

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